homme mûr n’avait plus aucune chance d’intéresser les jeunes filles. Aynaud-Marnière s’en réjouit. La jurisprudence était en sa faveur. M. Deleuze en serait pour ses frais auprès de miss Maud. Lui-même, bien qu’il ne fût plus l’aimable danseur de vingt ans qui fait prime sur le marché, saurait intéresser et retenir l’Anglaise. Mais pourquoi Mlle Nicole avait-elle négocié son échange ? Sans doute préférait-il miss Maud. Il préférait miss Maud, et néanmoins supportait mal l’indifférence de sa compatriote.
Pour courir en bob, les équipiers de Gstaad font une expédition préalable. Ils prennent le petit train électrique de l’Oberland qui les dépose, eux et leurs traîneaux perfectionnés, à Saanenmôser au sommet du col. De là une bonne route en pente descend sur Zweisimmen et offre une excellente piste de quatre à cinq kilomètres. Elle longe, il est vrai, des précipices assez dangereux et franchit, après un brusque virage, la petite Simme sur un pont couvert. Mais ces difficultés ne font qu’exalter les concurrents.
Rien n’est plus gai que les départs à la montagne un matin de soleil. On s’est couché tard la veille au Palais de Neige, parce qu’on a dansé ou parce qu’on a fini au bar la soirée ; vite on se précipite sur les traîneaux ou les luges pour gagner la gare, et l’on prend d’assaut les wagons. Les skieurs surtout sont encombrants avec leurs hautes lames de bois. Mais de bonne grâce on l’entr’aide, on se resserre, on s’entasse, les dames assises et offrant toute la gamme des lainages multicolores, les hommes debout dans les couloirs, sur les plateformes et, les plus malins, bien installés en plein air dans leurs bobs hissés sur les trucs.
Le comte Moroni avait ménagé une place à son collègue français sur une plateforme et le mettait au courant des derniers potins de l’hôtel avec cette autorité de l’étranger qui, pour avoir beaucoup vécu à Paris, s’imagine être devenu très parisien.
— Il me semble que M. Deleuze s’est moqué hier de la conférence de Lausanne.
— Je crois bien, se glorifia sans pudeur Aynaud-Marnière ; je l’avais traité de vieux monsieur.
