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il n’est resté personne capable de prendre la main de l’affligé, » et touché de compassion, il s’approcha, mais l’homme le tua. Et ce misérable, quand on voulut lui arracher des aveux, dénonça faussement les meilleurs serviteurs de l’Empire qui furent mis à mort.

Ainsi commençait la monotone série des crimes des Hashâshins. Les chroniques musulmanes ou chrétiennes les énumèrent par centaines, et nous font voir les assassins s’approchant de la victime désignée à leurs coups, captant sa confiance, vivant parfois de longs mois auprès d’elle, et, pour finir, le corps à corps fatal. L’Asie comprit avec terreur qu’une école d’assassins venait d’être ouverte, d’où sortaient des individus merveilleusement éduqués pour accomplir leur besogne, et d’autant plus forts pour tuer qu’ils étaient joyeux de mourir. Ces hommes qui joignent à une prodigieuse éducation professionnelle de meurtriers une intrépidité poussée jusqu’à l’allégresse, c’étaient les fédawis, les dévoués du Vieux de la Montagne. Les imaginations en furent frappées d’épouvante et d’émerveillement. Tous les desseins de Hasan s’accomplirent sans obstacle.

Aussi bien l’époque était-elle singulièrement favorable. Les deux fils de Mélik-shah se disputaient le pouvoir ; les Croisés apparaissaient sur les terres de l’Islam ; l’Asie se débattait dans l’anarchie. À la faveur de ce désarroi de tous les pouvoirs, Hasan envoyait ses missionnaires de tous les côtés et jusqu’en Syrie. Ceux qu’il ne dominait pas par ses prédications, il les domptait par le meurtre. Il s’emparait de toutes les forteresses, autant qu’il pouvait, et s’il trouvait un rocher qui convînt, il y construisait.

Enfin, vers l’an 1105, l’un des fils de Mélik-shah, Mohammed Ier, parvint à triompher de son frère et se fit reconnaître comme légitime successeur de leur père. Monté sur le trône persan, son premier soin devait être de détruire Hasan et la puissance des Ismaéliens. Il s’empara, dans le voisinage d’Ispahan, de la forteresse de Diz Kuh ; il y saisit cet Ibn-Attash, qui avait été l’initiateur et qui demeurait le chef de Hasan, le chef de toute cette maçonnerie ismaélienne, et il le mit à mort. À ce moment, une femme vint lui révéler un complot où trempait le grand vizir : son barbier avait accepté de le saigner avec une lancette frottée de poison. Les conjurés