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j’avais seulement deux amis fidèles et dévoués, disait-il un jour, je serais bientôt délivré de ce Turc et de ce paysan. » Un vrai propos de fou ! Comment supposer qu’un empire qui s’étend depuis les frontières les plus reculées du pays de Kachgar, jusqu’à Antioche, recevrait aucun dommage de l’assistance prêtée par deux hommes à Hasan ? Abou el-Fazl plein de compassion servit à son hôte les aliments et les boissons que l’on a coutume de donner aux personnes atteintes de démence. Hasan, voyant sa suggestion ainsi accueillie, s’en alla d’Ispahan à la frontière du Kerman et à Yezd. Il faisait des conversions. Sa méthode était de s’attacher en secret les habitants des châteaux ou forteresses. Parfois même des gouverneurs accueillaient ses prédications. C’est ainsi qu’un jour, sur le rivage méridional de la mer Caspienne, dans les montagnes au Nord-Ouest de Kazwin, il convertit les habitants tout autour d’AIamout.


HASAN À ALAMOUT ET L’ÉCOLE DU CRIME

Alamout, un château dont les deux mots, Alah-Amout, signifient le nid de l’aigle, et qu’occupait alors au nom du sultan Mélik-shah, un homme de la famille d’Ali, plein d’ignorance et de simplicité. Plusieurs de ces paysans qui venaient d’accueillir la doctrine d’Hasan, allèrent dans le château la prêcher à ce gouverneur. Il leur déclara : « Je crois à cette doctrine. » Mais dans la suite il fit descendre du château, par ruse, tous ceux qui avaient embrassé la croyance ismaélienne ; il ferma les portes, et dit : « La forteresse appartient au Sultan. » Après de nombreux pourparlers, il les laissa pourtant rentrer. Désormais, malgré ses ordres, ils n’en sortirent plus. Ce fut alors que Hasan se rendit à Ankéroud, une bourgade voisine. Il manifestait une grande dévotion et ne revêtait que des habits d’un drap grossier. Beaucoup de personnes accueillirent ses prédications. Enfin, dans la nuit du 4 septembre 1090 (ses partisans font remarquer que les lettres composant le mot Alah-Amout, prises numériquement, donnent l’année de l’entrée de Hasan dans Alamout), on l’introduisit à la dérobée dans le château. Il y habita secrètement pendant quelque temps, se faisant appeler du nom de Dih-Khodâ ou chef du village.

Lorsque l’Alide eut connaissance de cela, comme il n’avait