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membres du Parlement, avec une insistance parfois indiscrète, pressent les ministres d’intervenir ; mais ceux-ci comprennent qu’une intervention serait délicate et que les conseilleurs, selon le proverbe, doivent être les payeurs. La presse recommence à expliquer que l’on ne trouvera pas de solution au problème des réparations tant qu’on n’aura pas résolu celui des dettes interalliées. La visite de M. Loucheur a été l’occasion d’articles très sympathiques à la France, sans que le point de vue du Gouvernement s’en trouvât modifié. Le Times du 19 constate que si l’Allemagne avait apporté à payer l’énergie qu’elle met à résister, la question des réparations serait résolue. Le discours de lord Curzon, le 20 avril, à la Chambre des Lords, a pour objet de préparer la rentrée en scène, au premier plan, de l’Angleterre. Il conseille à l’Allemagne par l’entremise de son ambassadeur, lord d’Abernon, de faire une offre sérieuse ; ce premier pas fait, « l’assistance du Gouvernement britannique serait fournie aux deux parties, » « son influence et son autorité seraient employées à la réconciliation des principales parties intéressées. » Lord Curzon met ainsi la France et la Belgique sur le même pied que l’Allemagne ; il persiste dans sa tactique de « neutralité, » et il ne semble pas se rendre compte de ce qu’un pareil mot, même flanqué de l’adjectif « amicale, » prononcé par un Anglais pour définir l’attitude de son pays entre ses alliés et ses ennemis d’hier, a de choquant et, pour tout dire, de monstrueux. Sans doute, la neutralité se fait courtoise et bienveillante à l’égard de Paris et de Bruxelles, mais elle reste la neutralité. L’opinion publique française estime que, quand l’Angleterre a inscrit au traité de paix un « pacte d’assistance » qui ne devait pas jouer, elle a pris vis à vis de la France un engagement d’honneur et qu’elle nous doit une compensation. Lord Curzon continue à désapprouver l’initiative franco-belge : c’est donc qu’il approuve la résistance allemande. Il concède du moins, cette fois, que la France est convaincue « légitimement » qu’elle a été dupée par l’Allemagne ; mais il paraît croire, lui aussi, que la France cherche un « démembrement » de l’Allemagne et il ajoute cette phrase : « s’il faut que des garanties soient données, elles doivent être réciproques » : ainsi le Secrétaire d’État aux Affaires étrangères demandera à la Belgique et à la France, victimes de l’agression de 1914, de « donner des garanties » à l’Allemagne. Ce serait un beau spectacle !

La vérité est que le Gouvernement britannique s’inquiète ; il appréhende qu’un accord à deux, France et Belgique d’un côté, Allemagne de l’autre, n’intervienne, auquel l’Angleterre ne serait pas