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ses ressources et peut encore soutenir les cours qui sont revenus aux environs de 28 000 marks au dollar. Mais combien de temps cette lutte pourra-t-elle se prolonger ? Aussi, tandis que M. Cuno ou M. de Rosenberg font des discours de bravade, cherchent-ils anxieusement le biais qui leur permettrait d’entamer des pourparlers. C’est cette étrange méthode qu’un social-démocrate, M. Erich Kuttner, qualifie de « politique du ni oui ni non. »

Le voyage de M. Loucheur a réveillé les inquiétudes de l’Allemagne. La France n’allait-elle pas s’entendre avec l’Angleterre ? Quelle catastrophe pour la politique de résistance ! La diplomatie anglaise, en même temps, conseillait au Gouvernement de M. Cuno de prendre l’initiative de faire des propositions. Les journaux de gauche donnaient l’alarme, tandis que les journaux d’extrême droite se réjouissaient. La Gazette de la Croix en profitait pour annoncer que l’Allemagne exigerait des réparations ! M. Theodor Wolff lui-même écrivait que si la France voyait un moyen de briser la résistance de la Ruhr, M. Loucheur ne serait pas allé à Londres. La Gazette de Francfort (14 avril), sous le coup de ces préoccupations, faisait entendre une note pessimiste. « Ce que le monde attend de nous, disait-elle, c’est que nous établissions nettement que nos intentions sont claires et honnêtes, que nous voulons payer ce que nous pouvons, que tous les milieux influents de la nation se tiennent sans réticences derrière le Gouvernement quand il fait des offres, que nous sommes prêts à offrir les garanties suffisantes pour nos obligations de paiement, et que nous voulons vraiment assurer la France contre les attaques allemandes. En dehors de cette proclamation de nos intentions honnêtes, le monde attend de nous que nous apportions des contributions positives à des questions pendantes... La politique allemande, depuis le début de l’opération, n’a pas eu beaucoup de succès et ne s’est pas montrée prévoyante. Car malheureusement, depuis que les troupes franco-belges ont pénétré dans la Ruhr, notre situation dans le monde a empiré. » On ne saurait mieux dire, mais c’est précisément l’inverse qu’a dit, dans son discours du 16 au Reichstag, le ministre des Affaires étrangères, M. de Rosenberg.

Dans les grandes séances du Reichstag, le scénario est réglé d’avance ; les rôles sont distribués, préparés et gradués. Il faut tenir compte de l’effet d’ensemble. Le ministre est provocant et agressif. Il évoque la politique de Bismarck après 1870 dont il compare la « modération » à la brutalité de M. Poincaré, ce qui, vraiment, est un comble. Comme M. Cuno le 10, il pose des « conditions ; » il