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mettre au point et qui dérive de l’état des paiements du 5 mai 1921.

L’une des conséquences immédiates des entretiens de Paris a été la suppression de la fonction du Commissaire d’Empire auprès de la Haute-Commission interalliée de Coblentz. Le Commissaire d’Empire devait être, dans l’esprit des Alliés, lorsqu’ils en approuvèrent la création, un intermédiaire entre la Haute-Commission et les populations ; il préviendrait les difficultés, dans l’intérêt de tous, apaiserait les conflits, ferait œuvre de pacification et de concorde. Le Reich imposa au premier commissaire von Starck et à son successeur le prince de Hatzfeld un rôle tout opposé : il était temps, dans l’intérêt des populations comme dans celui des autorités d’occupation, que cet agent du prussianisme disparût : il n’aurait jamais dû exister !

Le Gouvernement de Berlin persiste dans son attitude et fortifie la « résistance passive. » Le discours que le chancelier Cuno prononçait, le 10 avril à la cérémonie en l’honneur des morts d’Essen, ne différait pas de celui qu’il avait prononcé le 6 mars ; à peine, au dernier moment, crut-il devoir y glisser une phrase qui laisse la porte ouverte à « des négociations libres de toute contrainte et où nous jouirions de droits égaux. » Le ton général est celui d’un vainqueur. De fait, beaucoup d’Allemands sont persuadés que la méthode de résistance inaugurée dans la Ruhr est un succès et doit aboutir à la libération non seulement de la rive droite du Rhin, mais de la rive gauche et de la Sarre ; contre une nouvelle « agression » française, on demandera des garanties ; on réclamera des réparations pour le tort que les Franco-Belges ont fait à l’industrie allemande ; on ne consentira « à aucun règlement qui toucherait à la constitution des territoires de la Ruhr et du Rhin. »

La manœuvre allemande apparaît dans toute son ampleur. Manœuvre d’opinion d’abord. Il s’agit de substituer la France à l’Allemagne dans la réprobation des peuples ; l’agression de 1914 est effacée par celle de 1923 ; le souvenir des barbaries réelles des Allemands en Belgique et en France s’éclipse derrière les barbaries imaginaires des Français et des Belges en Rhénanie et dans la Ruhr. Toute la presse, jusqu’aux journaux de médecine, répète en chœur des histoires inventées de toutes pièces ou prodigieusement exagérées. La contagion est telle qu’elle gagne même des hommes aussi respectables que le cardinal-archevêque de Cologne et les évêques allemands ; ils finissent par croire ce que tout le monde répète, tant est formidable la puissance de la calomnie et du mensonge. Il faut, pour remettre les choses au point et rendre justice à nos soldats, les