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population rhénane, la domination du germanisme prussianisé de l’Est. Mais il est certain qu’à l’heure actuelle beaucoup d’Allemands sont arrivés à se persuader que la politique française nourrit des projets séparatistes : l’enquête des socialistes belges dans la Ruhr, ou celle des députés travaillistes anglais, apportent à ce point de vue des indications utiles. Il faut travailler à dissiper une erreur savamment entretenue en Allemagne, en Angleterre et ailleurs.

Plusieurs solutions du problème des pays rhénans ont été imaginées en ces derniers temps. Celle du général anglais Spears, membre de la Chambre des Communes, mérite de retenir l’attention ; celle de M. Marcel Schwob, le directeur bien connu du Phare de la Loire, est intéressante. Il se pourrait que nous nous trouvions un beau matin, si nous ne faisons pas connaître dès maintenant le minimum de nos exigences, en présence d’un projet allemand appuyé par certains éléments anglais, qui consisterait à organiser un territoire rhénan jouissant d’une certaine autonomie administrative ; on s’arrangerait pour que les influences de Berlin et de Londres y restassent prépondérantes et que les mesures de sécurité pussent paraître dirigées contre la France aussi bien que contre l’Allemagne. Ce jour-là, avant d’accepter une solution truquée, la France et la Belgique auraient leur mot à dire et leurs conditions à poser.

Le 15 avril, M. Poincaré a prononcé à Dunkerque, à l’occasion de l’inauguration d’un monument aux morts de la guerre, un vigoureux discours où il est permis de trouver un reflet des conférences franco-belges des jours précédents. L’esprit du Président du Conseil était évidemment préoccupé du problème des sécurités, car l’histoire de la ville de Dunkerque lui a fourni l’occasion d’évoquer à propos des précédents historiques. Au traité d’Utrecht, l’Angleterre imposa à la France des conditions extrêmement dures : « les fortifications de Dunkerque devaient être rasées, les écluses détruites, les jetées abaissées au niveau de l’estran, le bassin du Roi comblé, le port fermé par un batardeau ; » on détruisait non seulement la place forte, mais le port de commerce ; de 1711 à 1783, des commissaires anglais furent maintenus dans la ville pour veiller à la stricte exécution de ces clauses barbares. Nous n’avons pas, à l’égard de l’Allemagne, d aussi noirs desseins, mais nous avons le droit, après quatre invasions en un siècle, d’assurer notre sécurité. « Lorsque l’Angleterre voyait ou croyait voir, à proximité de ses frontières, un péril militaire et maritime, elle n’hésitait pas à prendre, dans la plénitude de sa liberté, les mesures qu’elle jugeait pour longtemps nécessaires