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pas amorcé des négociations avec l’Angleterre sans en avoir au préalable avisé sa voisine et alliée : il fallut remettre les choses au point et réduire les intéressantes, mais inoffensives conversations de M. Loucheur à leur juste valeur. L’incident a montré une fois de plus que les événements politiques se déroulent, comme les scènes d’une pièce de théâtre, sous les yeux du public, qu’il y a, pour les regarder, une optique spéciale et qu’il existe un art de les présenter.

M. Theunis, président du Conseil, et M. Jaspar, ministre des Affaires étrangères de Belgique, sont venus à Paris le 13 et le 14 ; ils ont conféré avec M. Poincaré et les ministres français compétents. S’il subsistait peut-être quelques appréhensions dans leur esprit à la suite du voyage de M. Loucheur, M. Poincaré n’a pas eu de peine à les dissiper complètement. La presse belge, toujours très attentive à tout ce qui vient de France et prompte à prendre ombrage des moindres apparences, avait reflété « l’impression pénible » que lui avait produite ce qu’elle appelait « le plan Loucheur ; » elle avait cru y voir un aveu d’impuissance, un commencement de recul de la politique française. Elle s’est rassérénée. Le voyage de M. Jaspar à Milan n’a pas soulevé en France les mêmes inquiétudes : nous avons confiance en nos alliés et amis. Quoi qu’il en soit, après » la séance du conseil d’administration de la Ruhr tenue à Paris, » — selon l’expression très juste de M. Theunis, — jamais la solidarité franco-belge n’est apparue plus étroite et plus solide. Les ministres des deux pays se sont déclarés résolus à poursuivre leur action « jusqu’à ce que l’Allemagne se décide à faire directement des propositions pour le paiement des réparations. » La résolution de Bruxelles a été confirmée : l’évacuation de la Ruhr ne se fera pas sur de simples promesses de l’Allemagne, mais elle s’effectuera « au fur et à mesure de l’exécution par l’Allemagne de ses obligations de réparations. » Ils ont aussi décidé d’appliquer des moyens nouveaux ou renforcés pour parvenir à briser la volonté allemande. La France et la Belgique s’installeront dans la Ruhr comme si elles devaient y rester toujours ; elles n’ont jamais eu, — quoi qu’en disent les Allemands, — l’intention de prendre en main l’exploitation de toute l’activité minière, industrielle et commerciale du bassin, niais il est certain que, plus elles y séjournent et s’y organisent, plus elles se trouvent en mesure de mettre au point une exploitation partielle. Prenons nos dispositions pour rester longtemps, si nous voulons que les Allemands fassent l’effort nécessaire pour abréger l’occupation.

Mais, comme une conséquence de l’attitude que l’Allemagne a