ample et riche ornement, évoquent un magnifique passé. Dans ce décor, témoignage laissé par les morts, flânent les vivants. Les vivants se promènent, descendent des diligences poudreuses, bavardent à la terrasse des cafés, vont et viennent, courtois... « Ce traintrain de petite ville étalée au bon soleil de la Provence, ornée et agréable comme une femme qui, d’avoir été belle, s’est fait une vieillesse souriante, qu’est-ce d’autre qu’un souvenir ? ... J’en percevais, ravi, le bruit chuchoté, confidentiel. C’était comme un chant venu du plus loin d’autrefois ; un air noble et ancien, familier et grave, léger et royal ; un mélange de fantastique et de réel, d’irréel et de véritable, de jadis et d’hier, de vivant et de périmé, de respectable et d’amical, de visible et d’imaginé ; une fleur séchée qui embaume encore ; un sommeil, bien plus qu’une mort... » Voilà indiqué, par le moyen d’analogies, le sentiment qui anime ce petit ouvrage et dont les nuances, mélancolie, tristesse ou gaieté, montrées à divers moments et de plusieurs manières, font la péripétie de ce petit ouvrage, un roman si l’on veut, mais où les épisodes nombreux d’une rêverie remplacent une intrigue. C’est un poème, en quelque sorte. Et quelquefois les vers succèdent à la prose ; de petits vers malins, adroits, moqueurs et qui se moquent du sujet, de vous, d’eux-mêmes ; et la poésie survient, comme par mégarde. M. Émile Henriot, de temps en temps, est un précieux poète Louis XIII, ami de Saint-Amant, l’on dirait, et son émule :
Le soir où je suis arrivé
Dans Aix noble et silencieuse,
L’air nocturne était seul frappé
Par mon pas sur l’étroit pavé
Dont la pierre est mélodieuse.
Et, si je m’arrêtais soudain,
J’avais l’oreille réjouie
Du bruit que fait dans les bassins
La douce gerbe épanouie
De ces eaux qui coulent sans fin.
Et l’écho, ce miroir des bruits,
Redoublant ces voix solitaires,
Comme Pomone tend un fruit,
Semblait adresser à la Nuit
La pure offrande de la Terre.