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fait que l’auteur du Courrier littéraire attribue à Joubert le privilège de révéler à Pauline de Beaumont certains poèmes d’André Chénier, tandis que ce fut tout le contraire.

Voilà bien des chicanes ! Pourtant La même nonchalance, et un peu trop visible, à mon gré, se retrouve dans la composition de romans tels que Le diable à l’hôtel ou les plaisirs imaginaires et les plus récentes Aventures de Sylvain Dutour contées par lui-même.

On résumerait ainsi le premier de ces romans : l’auteur voyage et s’arrête à Aix-en-Provence ; il rencontre, à l’hôtel du Consul Sextius, miss Doris Dorotheia Curtiss, commence de l’aimer, se croit aimé d’elle, apprend qu’elle est fiancée ; alors, il s’en va, un peu triste. Quarante-cinq chapitres ! Au neuvième chapitre, l’auteur s’excuse auprès de son lecteur : « Que de digressions ! Que d’incidentes ! Tout ceci est fort mal composé. Cela m’apprendra à traiter d’un sujet qui m’amuse. C’est mon seul plaisir que je suis... Où en étais-je ? ... » Nonchalance ? Oui. En outre, l’on a reconnu un procédé que l’auteur de ce Diable à l’hôtel emprunte à l’auteur du Voyage sentimental et de Tristram Shandy.

On résumerait ainsi les Aventures de Sylvain Dutour : cet enfant trouvé, qui a une jolie voix, est pris chez elle par la maréchale de Lambesc ; il se conduit comme un polisson, perd sa jolie voix, est chassé de l’hôtel Lambesc, devient comédien de la foire, etc., etc. Et, page 253 et dernière, l’auteur : « Ici s’arrête le manuscrit de Sylvain Dutour. On ne sait pas ce qu’il est devenu, et s’il a laissé un plus long récit de ses aventures. Il nous a semblé suffisant d’imprimer ce peu qu’on en a retrouvé. L’intérêt qu’on y pourra prendre nous fera connaître s’il y a lieu de chercher à en recouvrer la suite. C’est ce que nous dira le lecteur. » Les aventures de Sylvain Dutour n’étaient pas finies : l’auteur feint d’en avoir assez, bien avant le lecteur ; et, au surplus, si cette histoire vous amuse...

Voilà comme on résumerait promptement ces deux romans : on aurait tort de les résumer ; ils sont très agréables, de la première page à la dernière. Cependant, la nonchalance et la désinvolture se voient.

M. Émile Henriot venait d’écrire Valentin, qui est un roman d’analyse ; et je crois qu’il avait un peu peiné sur la composition d’un tel roman, où il faut que l’on suive le plan que l’on s’est fixé. Valentin Desombres a un ami, un ami parfait qu’il aime et qu’il admire, Jérôme des Groues. Ce Jérôme a une maîtresse, Julie, taciturne. belle et bien séduisante. Valentin, libre de son cœur, aimera une femme à son gré : une seule femme lui est défendue, pour ainsi