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REVUE LITTÉRAIRE

UN LETTRÉ : M. ÉMILE HENRIOT [1]

Nous avons beaucoup de littérateurs, ou qui prennent ce nom ; mais nous n’avons pas beaucoup de lettrés. Un grand nombre de jeunes gens, et des barbons, écrivent et ne se méfient pas de savoir ce qu’on écrivait avant eux. Ils craindraient d’y perdre une originalité qui est ce qu’ils recherchent d’abord ; et ils ont tort : une véritable originalité est involontaire. En tout cas, ce n’est pas l’ignorance qui la procure. Il y a quelque chose de dégoûtant, si je ne me trompe, à ce dédain que trouve la littérature auprès de gens qui, d’ailleurs, se réclament d’elle.

Poète et romancier, critique aussi, M. Émile Henriot, lui, est un lettré. Je n’ai pas de compliment meilleur à lui faire. Sous le simple, titre de Courrier littéraire, où il annonce en outre les nouvelles de notre République, M. Émile Henriot publie dans le Temps, et vient de réunir en un premier tome, de petites études très agréables, relatives à « nos bons amis du temps passé, » comme Montaigne appelait Latins et Grecs, et comme il nous faut appeler nos grands écrivains des précédents siècles, sans qui nous ne serions pas seulement orphelins, mais nous ne serions pas du tout.

Son volume prélude par un « éloge de l’érudition, » qui me parait brave et opportun. L’on méprise, en effet, l’érudition, de nos jours ; et, pour la mépriser plus tranquillement, l’on utilise un prétexte commode : c’est qu’au surplus l’érudition serait allemande.

  1. Aventures de Sylvain Dutour contées par lui-même (Émile-Paul). — Du même auteur, chez le même éditeur, Le Diable à l’hôtel ou les plaisirs imaginaires, Les temps innocents ; chez Albin Michel, Valentin ; chez Hachette, Carnet d’un dragon ; au Mercure de France, La Flamme et les Cendres ; à la Renaissance du livre, Courrier littéraire, etc.