Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 15.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On n’attend pas que je fasse ici en quelques lignes l’histoire des manuscrits, suivie de celle des livres à figures. Ce serait retracer l’histoire même de l’art. Je laisse donc de côté les questions qui ont été très bien éclaircies dans les ouvrages spéciaux de M. le comte Durrieu et de M. Henri Martin, le savant successeur de Nodier à l’Arsenal, sur la miniature au XIIIe et au XVe siècle, c’est-à-dire sur l’école proprement parisienne, qui remplace les vieilles écoles monastiques, et que remplacera à son tour, sous le règne de Charles VI, l’école franco-flamande des Beauneveu et des Limdourg. Ce qui forme l’intérêt capital de cette étude, plus encore que la beauté des ouvrages qu’on y rencontre, c’est qu’on y trouve à peu près tout ce que nous connaissons de l’histoire de la peinture. On sait combien sont rares en France les peintures murales que nous a laissées le Moyen âge. Les textes nous apprennent pourtant que, même aux époques les plus barbares, les monuments n’ont jamais cessé d’être décorés. Les églises, les palais ruisselaient de peintures. Ce qu’étaient ces peintures, nous serions tout à fait incapables d’en juger, si les manuscrits contemporains ne nous en avaient conservé une image. On verra que les maîtres qui peignirent, au IXe siècle, l’Évangêliaire de Charlemagne, ou le miraculeux Psautier de sainte Aure, seconde patronne de Paris, que l’on portait en procession chaque année par les rues, comme une relique de la sainte, étaient familiers avec les grandes méthodes décoratives.

Plus tard, le peintre qui décora le merveilleux livre de la comtesse de Guines, avec sa figure de la dame agenouillée devant une Vierge qui lui donne la main à baiser, ou celui qui peignit l’étonnant petit martyrologe qui appartint au grand Carnot, et qui est encore aujourd’hui chez M. François Carnot, sont assurément des artistes qui mériteraient d’être connus comme un Giotto ou dos Simone Martini. Tout montre qu’ils avaient la pratique des grandes choses. On n’a aucun effort à faire pour se figurer ces miniatures portées aux dimensions de la fresque ou du vitrail : le dessin, l’élégance du trait, la silhouette qui se détache doucement sur son champ d’or ou d’azur, ou sur fond quadrillé ou rubané de ramages, tout cela se retrouve dans la joaillerie et dans les compartiments éclatants des verrières.

On a appelé la cathédrale un « livre de pierre : » jamais on n’a dit mot plus juste. Dans ce monde de figures qui anime