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qui était, — -selon la coutume antique des Vikings, — un navire !

Déjà, en 1876 et en 1880, des archéologues avaient découvert d’autres vaisseaux funéraires. Le plus grand, le mieux conservé de tous, était celui d’Ogstadt, exposé dans un hangar, à l’Université de Christiania, bâtiment admirable par ses lignes, et si parfaitement construit qu’une copie exacte, un double, put tenir la mer et naviguer jusqu’en Amérique.

Le professeur Gustafson fut bien étonné quand les premières fouilles d’Oseberg révélèrent un bateau analogue à celui d’Ogstadt, mais incomparable par sa magnificence sculpturale. La poupe, mise au jour après onze siècles d’enfouissement, sortit des terres écartées. Une grosse corde la tenait amarrée à un bloc de pierre. Sur la partie médiane, et jusque sous la quille, une frise décorative, taillée dans le chêne, était encore visible. Lorsque le déblaiement fut plus avancé, l’archéologue et les ingénieurs éprouvèrent la même émotion que ressentit lord Carnavon dans la vallée des Rois ; émotion plus intense peut-être, puisque c’était leur patrie, la vieille Norvège, qui ressuscitait sous les yeux de ses fils.

« D’après le caractère des sculptures, le bateau datait des premières années du IXe siècle. Solidement construit en bois de chêne, long de vingt et un mètres, large de cinq, il comportait quinze couples de rameurs, et il pouvait marcher à l’aviron ou à la voile. Le mât, haut de treize mètres, était brisé. Le fond assez plat de la coque indiquait que le navire était fait pour la navigation côtière, dans les eaux calmes des fjords et des archipels. Bateau de plaisance, bateau réservé sans doute pour les fêtes et les cérémonies religieuses, mais qui avait dû servir beaucoup et longtemps. Derrière le mât, était une chambre funéraire, écroulée et disjointe. Des pillards avaient visité le tumulus à une époque lointaine, — au XIe siècle environ. — Ils avaient creusé une galerie dans la tourbe, laissant la trace de leur passage sur le côté de la poupe, et dans le milieu du bateau. Leurs outils, pelles et pioches, étaient abandonnés sur place. Ces violateurs de tombeaux, attirés par l’espoir d’un trésor, avaient défoncé la chambre sépulcrale, dispersé les ossements et enlevé tous les bijoux d’argent et d’or, en dédaignant les objets usuels, en bois et en cuivre, trop lourds d’ailleurs, pour être emportés.

Ces fouilles, qui n’avaient pas l’archéologie pour excuse,