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Brant, de Solness, de Peer Gynt, et sur le marbre, qui domine les autres monuments, on a sculpté le marteau symbolique et gravé un vers tiré du poème le Mineur :


Fraye-moi un chemin, rude marteau,
Jusqu’au cœur de la montagne.


Le tombeau de Bjôrnson n’est qu’un blanc tumulus de neige entre les pins noirs. Et presque toutes les tombes sont ainsi nivelées, sous cette blancheur qui n’est pas vraiment pure et belle, toujours un peu souillée, dans les villes, par les fumées de l’air et les pas des hommes.

Sur les croix qui émergent, il y a de petites gerbes de paille. De bonnes âmes, suivant une vieille coutume touchante, les ont apportées là, le jour de Noël. Ce sont des épis d’avoine avec leurs grains, offrande faite au nom des morts, pour que les oiseaux affamés participent à la joie chrétienne.


UNE REINE DE LA MER

Elle est moins célèbre que Touth-ank-Amon. Une savante publicité ne l’a pas mise à la mode, et elle n’inspire pas les décorateurs et les couturiers. Peu de gens, parmi ceux qui ne s’occupent pas spécialement d’archéologie et qui ne sont pas allés au musée de Christiania, connaissent cette « Reine de la mer, » dont le tombeau a livré un trésor comparable, par sa beauté barbare et son caractère mystérieux, au trésor exhumé de Mycènes.

Le tombeau même fut découvert en 1903, par le professeur Gustafson. C’était aux environs de Tônsborg, sur la rive occidentale du Chrislianiafjord, dans un pays de tourbières et de marécages. Vieux pays, riche de souvenirs, où la légende païenne des Vikings n’est pas encore oubliée. Il produit une race de pêcheurs qui était déjà illustre par son audace, au temps de Harald Haarfagre, et qui n’a pas cessé, depuis onze cents ans, d’envoyer ses flottilles de baleiniers jusque dans l’Océan Glacial. Entre le village de Slagen et la mer, au lieu dit Oseberg Odegaarden, il y avait un tumulus, au milieu des prairies et des jardins, près d’une rivière ; et c’est là, sous une couche de terre tourbeuse et de pierrailles, que gisait la Reine inconnue, dans son étrange cercueil, qui n’était pas une boîte de chêne ou de métal,