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Il y a des libraires, des marchands de musique et des kiosques de journaux, plus que dans une ville française de la même importance. Ici, tout le monde lit. Le désir de s’instruire dure bien après l’école. J’admire la propreté des rues, la blancheur des rideaux drapés derrière les fenêtres et découvrant, pour le plaisir du promeneur, des tulipes jaunes dans des vases ou des jacinthes bleues en pot.

Le temps est devenu froid, avec un ciel gris, traversé de bleu. Une pâle lumière lave les grands toits et les pignons aux vitres claires, les arbres noirs autour du petit lac terni dont la glace se fendille. La cathédrale, orgueil de Stavanger, a une noble simplicité paysanne, avec ses deux tours de brique et ses portails latéraux dont les motifs sculptés s’apparentent, par leur rudesse, à ceux des églises bretonnes. Hélas ! elle est complètement restaurée, cette cathédrale de Stavanger. De l’édifice primitif, il ne subsiste que les trois nefs aux piliers massifs, belles par leur majesté lourde où les pas du visiteur solitaire résonnent. La Réforme a éteint les feux des vitraux, chassé les statues, et la seule note colorée, dans la grisaille du grand vaisseau gothique, c’est la chaire de 1658, toute contournée, toute chargée de guirlandes, d’ornements, de monstres, de symboles marins, de figures mystérieuses, évoquant peut-être des légendes locales, et qui me font penser, encore une fois, aux chaires, aux retables peints et dorés des sombres églises du Finistère.

Le même jour, une dame, membre de l’Alliance, qui a longtemps habité la France et la Suisse, a bien voulu me faire continuer la visite de Stavanger. Avec elle, j’ai vu les quartiers ouvriers à peine différents en apparence des quartiers riches, tant se ressemblent les maisons de bois, et les rues, si propres que les « défenses » diverses, déshonneur de nos murs, sont ici complètement inutiles. On sent, aux moindres détails, ce souci de la netteté et du confort qui caractérise les peuples Nordiques, et aussi le désir d’égayer la monotonie des constructions, par une tache de couleur, par une décoration florale, par un appel

la nature. Stavanger a des airs de grand village. Entre les

maisons, par-dessus les jardinets endormis, il y a toujours des échappées sur les montagnes striées de neige, sur le fjord bleuâtre, criblé d’ilots ; et les arbres, le bouleau et le pin, sont partout ménagés, respectés, mêlés familièrement aux demeures des