STAVANGER
La cabine blanche, brillante d’électricité, de laque et de nickel, cellule close au ventre du navire, cesse d’osciller autour de moi, et j’entends, à travers les hublots et les cloisons, un silence inattendu s’épandre sur la mer calmée.
Trente heures de chocs sourds, de clapotis, de clameurs, de brusques descentes vers les abîmes, de bondissantes remontées sur le dos fuyant des lames. Maintenant, à l’entrée du fjord, la tempête, dragon charmé par quelque dieu marin, s’arrête, rugissante derrière le rempart des îles. La pulsation de la machine se ralentit. Je guette des voix, des pas, les bruits confus qui annoncent l’arrivée. Mais le jour est loin encore. Les rares passagers qui se sont embarqués à Newcastle et qui doivent aller à Bergen, reposent dans leurs couchettes, trop heureux de n’être plus secoués par un bateau complètement ivre. Seule, je descendrai à terre, cette nuit. Sans réclamer l’aide de personne, je ferme sacs et mallettes, et, le cœur léger malgré ma fatigue, je monte sur le pont.
Nuit noire, un peu étoilée dans la brume. L’air est froid sans âpreté, humide, avec le goût inconnu qu’il a dans les pays nouveaux. Une odeur l’imprègne, saumure et bois frais, délicieuse