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— J’ai eu tort envers vous, me déclara-t-elle. Je ne devais point vous montrer de l’humeur et pourtant vous m’avez involontairement un peu induite en erreur.

Je lui répondis qu’il ne me semblait guère mériter ce reproche. Elle n’insista point et reprit aussitôt :

— Aidez-moi, je vous en supplie, à sortir de tout cela. Elle me lut alors ce qu’elle voulait soumettre au Roi. J’improuvai plusieurs choses. Son Altesse Royale en vint ensuite à son idée pour Vienne. Je lui répétai ce que j’avais déjà dit à Saint-Priest et j’ajoutai que j’en parlerais au prince de Metternich.

— Oh ! s’écria Madame vivement, c’est mon ennemi, il rendra la chose impossible.

Je tachai de combattre cette prévention et ce projet auquel la Duchesse de Berry ne voulait pas renoncer.

— Vous me devez bien cela, me répétait-elle.

Pour négocier ce voyage, elle avait d’abord pensé envoyer M. Sala à Vienne, mais il tomba malade. Son choix s’arrêta sur M. de Saint-Priest et je m’en félicite beaucoup. Avant diner, Madame passe quelques instants chez le Roi. Tous deux apparaissent bientôt. La princesse a l’air mécontent et dit à M. de Lucchesi qui me le répète : « Sa Majesté n’a pas voulu signer. » Quant à Charles X, il gardait son affabilité, mais ne parvenait pas à cacher son trouble. Après le repas, il remit un papier au duc de Plaças et nous ordonna d’aller le lire ensemble, puis de lui faire connaître notre avis. Nous examinâmes donc la chose. C’était une sorte de traité formulé à peu près en ces termes : « Plus occupée des intérêts de mon fils que des miens propres, disait la Duchesse de Berry, je demande au Roi la promesse 1° de s’occuper immédiatement des moyens d’opérer ma réunion avec ma famille ; 2° de faire un acte pour la majorité de mon fils et la nomination d’un Conseil ; 3° de changer les personnes chargées de son éducation. »

Par une porte de derrière, je rentrai chez le Roi. Le duc de Blacas alla l’avertir. Sa Majesté vint aussitôt me joindre. Je dis à Charles X qu’il pouvait donner à la princesse des promesses verbales, mais non signer un pacte qui aurait tout l’air d’une parodie ridicule du traité de Leoben. D’ailleurs, admettrait-il d’écrire des conditions dictées de la sorte ? Il lui était loisible, s’il le jugeait bon, de les accueillir en fait, mais il devait refuser