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à ses côtés, il cherche à le distraire, offre de faire la lecture.

Depuis son arrivée ici, Charles X ne quitte presque pas sa chambre. Il demeure au lit jusqu’à trois heures et mange à peine. Hier, il est venu au salon jusqu’à sept heures. Sa conversation fut charmante. On parla de La Fontaine et, de mémoire, il nous récita la Mouche du Coche et les Animaux malades de la peste. Quand il se retira, nous sommes tous allés avec Mme la Dauphine dans l’hôtel qu’elle habite C’est une grande maison dont le couronnement est formé par deux frontons semi-circulaires sur lesquels sont peints à fresque le Sacrifice d’Abraham et Daniel dans la fosse aux lions.

Le Duc de Bordeaux et Mademoiselle sont trop jeunes, trop enclins à une vivacité aimable et enjouée pour qu’à leur intention, on ne cherche pas à dissiper un peu le caractère trop sérieux qu’auraient nos réunions. Sans doute les circonstances sont de nature à plonger leur entourage dans la tristesse. Moins que tout autre, j’ai le cœur à la joie et pourtant je tâche par moments de faire trêve à mes chagrins pour égayer les jeunes princes. Aussi aiment-ils ma compagnie. Je leur raconte des histoires, ils me demandent force détails sur mon enfance, nous combinons des charades, les plus ridicules du monde, je leur joue du violon pour les faire valser avec la petite Marie, la jeune et gentille enfant de l’aubergiste. A tout cela, je m’efforce d’apporter de l’animation, de l’entrain, et j’ai la mort dans l’âme.

M. de Blacas étant allé à Gratz, je l’ai remplacé auprès du Roi.


Leoben, 10 octobre.

Charles X souffre moins de la goutte, mais la visite prochaine de la Duchesse de Berry le tourmente à un tel point qu’il a été toute la nuit dans l’inquiétude. Notre courrier Berthaud est arrivé â dix heures un quart. Il s’est rendu à Trieste et rapporte la lettre suivante que lui a donnée Madame :


Trieste, 8 octobre.

Mon cher Père,

« C’est hier seulement, à mon arrivée â Trieste, qu’on m’a remis votre lettre du 3. Vous ne devez pas douter de mon empressement â me rendre le plus tôt possible à Leoben pour vous y revoir ainsi que ma sœur et mes chers enfants. Il n’a