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Ce papier en main, Chateaubriand alla chez le Roi, mais celui-ci lui déclara que, vu l’hospitalité dont il jouissait en Autriche, il ne pouvait faire aucun acte, sans l’avoir communiqué à l’Empereur auquel il devait toute confiance par estime et par gratitude. Si donc ce prince n’y voyait aucun inconvénient politique, Charles X s’empresserait d’envoyer cette pièce signée à Paris. Chateaubriand cria aussitôt à la défaite. Si on voulait l’en croire, le seul moyen de tout terminer à la satisfaction générale serait de lui remettre immédiatement ce papier avec autorisation de conduire la Duchesse de Berry à Prague d’où il se faisait fort de l’éloigner au bout d’un mois.

— Si vous ne prenez ce parti, ajouta-t-il, c’est la guerre que vous voulez et nous vous la déclarerons.

— Vous commettrez une mauvaise action qui servira seulement à l’usurpateur.

— Toute la jeunesse de France est dans ces voies, répondit-il, je ne puis m’en séparer.

Malgré toutes les singularités de son caractère, M. de Chateaubriand avait adhéré aux dispositions prises par le Roi lors du passage de M. de Pastoret à Buchtirad. D’après cela, pour veiller aux intérêts de la légitimité, le célébré écrivain était nommé membre d’un conseil central avec Villèle, MM. de Latour-Maubourg et de Pastoret. M. de Blacas ayant fait allusion à ses occupations accablantes, à ses fatigues, dit au vicomte :

— J’ai l’intention de me faire remplacer par quelqu’un qui mériterait entièrement la confiance du Roi et j’ai trouvé l’homme de cette situation.

A ces mots, la physionomie de Chateaubriand s’épanouit. Se croyant visé, il joua la modestie, jeu auquel il n’a jamais perdu beaucoup de temps. .

— Oui, reprit le duc de Blacas, c’est M. de Montbel.

— Mais il a signé les Ordonnances, s’écria son interlocuteur. A défaut de M. de Montbel, ajouta-t-il, je proposerai au Roi M. de Pradel. Pour celui-là, je n’ai rien à objecter.


Leoben, 5 octobre.

Quand le Roi quitta Prague pour Leoben, il était fort malade. Il ne se remet guère, car son moral se trouve profondément affecté. Le jeune prince a pour son grand père les attentions les plus suivies, les soins les plus touchants, il lui propose de rester