Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 15.djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

assurant qu’il lui était impossible d’accepter, tous ses effets se trouvant à Prague.

Le jour suivant, il revint à Buchtirad et demanda au Roi un acte de majorité proclamant Henri V. Il avait déjà longuement entretenu M. de Blacas sur ce sujet, en lui disant que sans doute cet acte était de peu d’importance et difficile à exécuter sans l’autorisation de l’empereur d’Autriche, mais néanmoins il fallait absolument « faire quelque chose. »

Du reste, avait ajouté M. de Chateaubriand, il est urgent de sortir de la position où nous sommes. Si le Roi et le Dauphin reviennent sur leurs abdication, qu’ils le disent ; nous irons là où on nous montrera franchement la légitimité. S’ils renoncent, qu’ils nous fassent reconnaître Henri V et qu’ils ne nous laissent pas dans une situation douteuse. Il nous faut un des trois, mais point les trois en même temps.

Pour ma part, je trouve le raisonnement aussi exact qu’opportun. Le duc de Blacas voulut bien en convenir et rapporter la chose à Charles X, en lui disant toutefois de ne s’engager dans rien de positif, par crainte des embûches. Quand Chateaubriand développa son idée devant le Roi, il parla avec modération et Sa Majesté lui dit : « Je n’ai aucune répugnance pour l’acte que vous proposez. Entendez-vous à cet égard avec Blacas. » Celui-ci fut assez étonné lorsque l’écrivain lui communiqua ces paroles.

— Voulez-vous que nous nous en occupions immédiatement, lui offrit-il, ou bien avez-vous préparé quelque chose ?

— Oui, répondit Chateaubriand.

— Ecrivez donc.

— Je ne le puis pas, n’ayant point mes lunettes, mais, si vous le voulez, je vais vous dicter quelques lignes.

M. de Blacas, s’y étant prêté volontiers, son interlocuteur lui soumit des phrases assez insignifiantes qui, après discussion, furent mises au net dans les termes suivants :

« Nous, Henri V du nom, étant arrivé à l’âge fixé par les lois du royaume pour la majorité de l’héritier du trône, notre conseil entendu, voulons commencer l’exercice de notre majorité par une protestation contre l’usurpation de Louis-Philippe duc d’Orléans, pour le maintien de nos droits et de ceux de tous les Français.

« Donné à Prague le 30 septembre de l’an de grâce 1833. »