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universitaire un admirable centre sportif. Quand nous eûmes terminé cette promenade instructive, je ne pus me tenir de lui poser cette question : — « Tout cela est fort bien, Monsieur, mais quand travaillez-vous ? » II se mit à rire et me répliqua du tac au tac : — « Pendant les vacances. »

Mais, s’apercevant qu’il peinait miss Maud Hobinson, presque aussi rebelle à l’ironie que lord Curzon en personne, il gâta son succès auprès de Mlle Nicole Deleuze en vantant outre mesure l’éducation anglo-saxonne et reprenant les thèses périmées de M. Demolins : adaptation à la vie moderne, apprentissage précoce, connaissance des langues étrangères, développement corporel et rapide instruction économique.

— Mon latin ne me servira donc à rien ? soupira Mlle Deleuze.

— En tout cas, pas ici, déclara miss Maud, qui profitait de tout avantage comme un bon champion.

— Pourquoi pas ?

— Sur le bobsleigh ?

— Mais oui.

L’Anglaise éclata de rire, d’un beau rire de jeunesse qui voulait être mortifiant pour sa rivale et qui amusa follement celle-ci. Le comte Moroni expliqua aussitôt à son collègue français que les jeunes filles s’affronteraient le lendemain sur la patinoire, le surlendemain en « bob, » et le même soir au bal travesti où des prix seraient distribués, selon les suffrages, aux plus beaux costumes. Et il répéta avec plus d’autorité son :

— Pour qui pariez-vous ? Il y a une cote, comme aux courses. Le général Harvey la tient à jour. Que je vous présente !

Et il présenta incontinent Aynaud-Marnière au général qui passait, gentleman correct et grave, investi des plus hautes fonctions, car, après une brillante carrière aux Indes et dans la dernière guerre, retraité brutalement, comme tant de ses camarades, à la suite de la démobilisation, il organisait les jeux sportifs dans les palaces, ce qui lui occasionnait de grandes tribulations.

Rien n’est plus désagréable que d’être ainsi mis en cause et sollicité à brûle-pourpoint en présence des concurrents eux-mêmes. Un diplomate, s’il est moins astucieux et habile dans les conférences officielles, se tire toujours d’affaire dans les guets-apens mondains :

— Dehors je parie sur miss Hobinson, et dedans sur Mlle Deleuze.