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reçu la nouvelle que sa fille, Mme de Bourbon-Busset, était arrivée à Prague au moment où elle-même venait de quitter cette ville et de se mettre en route pour Leoben. Cette rencontre manquée de la mère et de la fille explique les doléances de la duchesse de Gontaut. Malheureusement, ses plaintes agissent sur l’esprit et sur le cœur de Mademoiselle ; elles troublent également Mme la Dauphine que cherche à rassurer la bonne vicomtesse d’AgouIt.

« J’ai raconté à la princesse tous les détails de ma pénible mission auprès de la Duchesse de Berry, mes négociations à Florence, mon voyage à Rome, ma déconvenue de Padoue. De tout mon pouvoir, par le raisonnement, par la persuasion, j’ai tâché d’apporter un peu de calme dans l’âme de la Dauphine. Nous avons trouvé ici le secrétaire de M. de Chateaubriand, venu sous prétexte de remettre des lettres à Mme la Duchesse de Berry, mais beaucoup plutôt pour épier à Leoben les événements et pour en rendre compte à son maitre. Quand, il y a quelque temps, celui-ci se rendit à Prague, il alla trouver la Duchesse d’Angoulême au moment où Mme de Beauffremont arrivait. La Dauphine lui ayant alors communiqué son intention et celle du Roi de se porter au-devant de la Duchesse de Berry, M. de Chateaubriand répliqua que l’intention formelle de cette princesse était de se fixer à Prague.

J’ai demandé à la Dauphine comment Mademoiselle avait accueilli la nouvelle du mariage de sa mère avec le comte Lucchesi.

— Elle a beaucoup du caractère de la Duchesse de Berry, me répondit la Dauphine. Dans le premier instant, elle pleura beaucoup ; ensuite elle s’en est moins occupée ; actuellement, il n’y a plus que cette petite fille qui lui déplaise. C’est, je crois, la manifestation d’une jalousie d’enfant. Henri a été plus vivement frappé. D’abord il ne comprit pas, mais quand il eut demandé des explications : « Comment, s’écria-t-il, en parlant de M. de Lucchesi, il faudra que je voie cet homme-là, je ne le veux pas, il n’y aura jamais rien de commun entre nous. »

Ce matin, avec Mme la Dauphine, nous sommes allés visiter le jardin d’Eggenwal où fut signé le traité de Leoben. L’endroit est disposé de façon étrange. Les plantes croissent au pied des piquets, au sommet desquels s’épanouissent des boules en verre dorées intérieurement. Pour commémorer le souvenir dont cet