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Je vais tard chez la Duchesse de Barry que je trouve maigrie, changée, souffrante. Comme elle a la fièvre, je dois abréger ma visitent, en pareilles circonstances, je ne lui ai point remis les lettres dont je suis porteur.

— Parlez franchement, m’a-t-elle dit, le Roi ne m’a pas crue mariée.

— En effet, répondis-je, il ne vous a pas crue mariée.

— Et pourtant, s’écria-t-elle, je le suis depuis deux ans.


Florence, 11 septembre.

La Duchesse de Berry, remise de ses fatigues, m’a donné audience, de onze heures à deux heures et demie.

— Le Roi, lui déclarai-je, réduit ses demandes à la présentation d’un acte de mariage authentique, et cette pièce devra être déposée dans les archives de l’Empereur, pour qu’ainsi personne ne puisse révoquer en doute vos affirmations sur la régularité de votre union.

— Mon acte existe en bonne et due forme, me répondit-elle. Il est inscrit sur les registres d’un évêque qui s’est engagé à ne le délivrer jamais que sur ma demande et sur celle de M.de Lucchesi. J’en ai une copie que je veux montrer au Roi et à l’Empereur, mais je ne remettrai point l’acte authentique dont on se ferait une arme contre moi pour me perdre sous les inspirations de ceux qui veulent me nuire.

J’ai combattu vainement, cette inébranlable position où se tient la Duchesse de Berry. Cette obstination tient à sa volonté d’agir toujours en Régente. Je le compris ; aussi ai-je taché de lui montrer bien sincèrement que son rôle était désormais fini, que son influence sur les masses était pour toujours perdue, soit qu’elle dissimulât son acte de mariage, soit qu’elle le donnât à connaître. Il fallait donc se soumettre à la demande formulée par Charles X et dictée pour garantir l’honneur de la famille royale.

Quand je remis à la princesse la lettre de la Dauphine :

— Celle-là est vraiment bonne, me dit-elle, je savais ce que je faisais en lui confiant mes enfants.

Elle m’entretint ensuite de l’éducation du Duc de Bordeaux. À ce propos, nous en venons à parler de Chateaubriand.

— Il ne faut pas l’avoir contre soi, me déclare-t-elle, il peut faire beaucoup de mal.