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constater que, tandis qu’ils sacrifiaient leur peau, d’autres restaient tranquillement chez eux et s’enrichissaient. Il y a encore maintenant des milliers d’embusqués dans les bureaux, qui n’ont jamais senti la poudre. »

L’Allemand qui lit la Gazette de Francfort, un fonctionnaire, regarde tristement le paysage : « Dire que nous allons être forcés d’abandonner aux Français ces belles provinces que nous avons mises en valeur ! Mais par suite des terribles bêtises que nous avons commises, il ne nous reste pas d’autre alternative. Moi, ce qui me console, c’est qu’ils auront aussi la révolution... » Au changement de train, mon ami, l’Alsacien, me dit : « Qu’est-ce qu’ils ont donc toujours à parler de la révolution en France ? Il n’en est pas question. »

J’oubliais de dire que dans notre train une députation des Soviets avait pris place et qu’à chaque station un type descendait sur la voie pour haranguer les soldats qui gardent les gares. Ceux-ci écoutaient le boniment d’un air ahuri, mais se prêtaient sans objection à la cérémonie de l’ablation des cocardes et des épaulettes. Ils n’avaient pas l’air de comprendre la portée de la chose.

La nouvelle de la révolution est déjà parvenue à Bœrsch avec des détails plus ou moins fantaisistes : on n’y attache pas grande importance et on la considère comme une manœuvre machiavélique inventée par les Boches pour éluder l’armistice.


CH. SPINDLER.