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L’ALSACE PENDANT LA GUERRE
JOURNAL D’UN ARTISTE ALSACIEN

III [1]
LES DERNIERS MOIS DE LA GUERRE

Quatre années se sont écoulées, quatre années pendant lesquelles l’Alsace n’a point cessé de maudire ses maîtres et d’appeler leur défaite de tous ses vœux. L’heure est enfin venue de la grande débâcle de l’Allemagne. Les Alsaciens la contemplent avec un sentiment de joie et de revanche qui éclate à chaque page du journal de M. Spindler. A mesure qu’approche la délivrance, une folle allégresse fait bondir tous les cœurs : on se délecte au spectacle de la déconfiture du « Boche ; » la pensée que désormais il n’y aura plus de douane à Avricourt met en branle toutes les imaginations ; on fait mille rêves d’avenir ; on se prépare à redevenir Français. Rancunes et enthousiasmes feront explosion dans ces jours extraordinaires, où l’Alsace accueillera les soldats de la France avec de prodigieux transports d’amour et de reconnaissance.

Pour mesurer le chemin parcouru, il faut se rappeler ce qu’écrivait M. Spindler en 1914. Alors pour lui, « la différence de race n’était pas si grande, » et « l’on avait tort de s’acharner bêtement sur certains travers des Allemands, dont on avait exagéré l’importance. » Ces travers, nous l’avons vu y attacher quelque importance, lorsqu’il a été forcé de déguster la cuisine de l’étonnant Bieberstein. Quant à la « différence de race, » les procédés de guerre des Allemands, leurs perpétuels mensonges, les vexations dont ils ont accablé l’Alsace, lui ont révélé qu’elle était beaucoup plus grande qu’il se l’imaginait. Et,

  1. Voir la Revue des 1er et 15 avril.