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le temps qu’il ne peut passer à son chevalet soit donc employé au profit de la profession qu’il a embrassée. Le musicien peut bien ne rien connaître en dehors de son art, mais la peintura se rattache à tout. C’est comme si, pour écrire, vous n’aviez lu que des romans : qu’auriez-vous pu faire avec de tels moyens ? Il a une insouciance pour tout qui m’a désolée ; il ne se donne plus la peine de parler, ni de marcher. Il aurait besoin de voir le monde, et souvent ; il est une foule de choses qu’il n’apprendra que là.

Adieu, dearest. Mon petit enfant revient de faire une promenade en voiture ; je l’entends et vais le prendre. Si je vous ai blessé, excusez-moi, car je vous aime bien ; j’ai dû être vraie avec vous, parce que je vous estime. Votre amie.

ZULMA.


Dites à Auguste de me renvoyer votre lettre qu’il a gardée.


Trois mois de silence ! Balzac n’a guère le temps d’écrire à ses amis : sa revue (La Chronique de Paris), ses livres, ses affaires lui prennent tout son temps. Il veut en finir au plus tôt avec cette dette, ces créanciers qui, depuis tant d’années, contrarient son travail. D’octobre à décembre, il fait paraître la Perle brisée (2e partie de l’Enfant maudit), la Vieille Fille, un article Sur les questions de la propriété littéraire et de la contrefaçon, la Confidence des Ruggieri [Sur Catherine de Médicis). Il chante victoire et, le 22 décembre 1836, Mme Carraud lui écrit :


Noël, Noël ! mon cher Honoré ! vous voilà donc délivré de ce démon tourmentant qui dévorait votre bon temps et communiquait à vos œuvres quelque chose de hâté qui ne permettait pas à votre talent de se développer dans tout son éclat. Je ne puis vous dire la joie que j’en ai ressentie ; vous ferez le Privilège, cette œuvre pour laquelle je me suis passionnée sur vos dires. Je vous attends donc ; vous frapesliserez bien à l’aise dans cette saison, si ce n’est avec agrément. Je n’ai que le temps de vous dire deux mots, car j’ai de nombreux hôtes, et en hiver, c’est plus occupant qu’en été, car le local est exigu, et les ombrages ne sauraient servir de décharge. Tout cela va disparaître dans trois jours, et alors commencera la solitude absolue, que vous seul serez tenté peut-être d’interrompre.

Dans ce peu de mots, qu’il y en ait un pour vous dire que vous êtes au moins étrange de me reprocher mon silence. Je ne