— Il s’agit bien des Turcs. Notre représentant, le marquis Garroni, suffit à s’occuper d’eux. Vous vous croyez donc toujours à Lausanne ?
— Hélas ! je n’y croyais plus être et je m’y retrouve en effet.
— Eh bien ! vous êtes dans l’erreur. Vous ignorez que le Palais de Neige est sens dessus dessous et que bon gré mal gré il vous faut prendre parti.
— Prendre parti ?
— Mais oui. Êtes-vous pour Mlle Nicole Deleuze, votre compatriote, ou pour miss Maud Hobinson ?
— Je ne les connais pas.
— Vous les connaîtrez dès ce soir.
— Non, non, je ne veux être présenté à personne.
— Vous le serez. Dès ce soir. C’est un match sensationnel : patin, bobsleigh et costume. Trois épreuves. La France et l’Angleterre s’affrontent.
— Ah ! non, je ne suis pas venu ici pour les voir s’affronter.
— Vous les verrez. Et devant toutes les nations qui sont représentées au Palais de Neige.
Sur cette affirmation solennelle, l’Italien au beau visage de médaille, entièrement rasé à la nouvelle mode, se leva pour se précipiter à la poursuite d’une jeune Diane qui passait, grande, mince, musclée, les cheveux relevés à la grecque, les joues fraîches et roses, les yeux bleus étonnés, les jambes longues, — des jambes de chasseresse au mollet haut, à la fine cheville, — et il avait eu le temps à peine de jeter cette indication :
— Miss Maud !
« Ah ! non, songea Aynaud-Marnière irrité. Je ne suis pas venu à Gstaad pour prendre à nouveau parti dans un conflit international. Si je dois retrouver jusqu’ici la Société des Nations, autant reprendre mon métier tout de suite… »
Et il se demanda où il lui faudrait aller pour ne plus rencontrer que des hommes et des femmes, comme si les individus étaient différents des peuples, et comme si leurs disputes n’étaient pas pareilles !…