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jours. Ces agitations nuisent à l’achèvement de l’unité nationale et au retour de la prospérité économique et financière d’un pays qui possède des éléments de richesse incomparables ; elles peuvent offrir à la Russie soviétique l’occasion d’une intervention militaire pour la reconquête de la Bessarabie. Il ne règne, entre la Russie et la Roumanie, qu’une paix de fait qu’aucun traité ne sanctionne.

Et malheureusement la Russie soviétique ne paraît pas évoluer vers la sagesse et la paix des esprits ! Elle vient de se souiller d’un nouveau et abominable crime ; elle a jeté, comme un défi à l’Europe et à la civilisation, le corps sanglant d’un prélat catholique, Mgr Budkiewicz, vicaire-général de l’archevêque de Pétrograd, condamné après le plus monstrueux des procès, et exécuté d’un coup de revolver le 31 mars par un bourreau de la Tcheka. L’archevêque lui-même, Mgr Cieplak, condamné à mort lui aussi, bénéficie d’un sursis, mais les prisons de la Tcheka ne sont pas, pour le vénérable vieillard, un traitement beaucoup plus doux. Les deux prélats et huit autres prêtres étaient accusés d’avoir résisté à la loi sur la confiscation des biens d’Église et notamment des objets précieux servant au culte, d’avoir conspiré contre le régime soviétique et d’être en relations avec des États étrangers, en fait la Pologne. Dans leur noble défense, les deux victimes protestèrent n’avoir songé qu’à la défense de l’Église et n’avoir pas fait d’opposition au Gouvernement. Contre Mgr Cieplak le fait d’avoir entretenu des relations avec l’étranger ne fut pas retenu ; mais Mgr Budkiewicz, Polonais d’origine et de langue comme l’archevêque, avait adressé, en 1918, un télégramme de félicitations au Gouvernement polonais lors de sa formation : c’en fut assez, pour la justice des Soviets, pour mériter la mort. Dans la lutte qu’il a entreprise contre toutes les religions, le gouvernement bolchéviste s’attache à prouver que le catholicisme est une religion étrangère, incompatible avec la vie et le patriotisme russes. L’Église russe soviétique créée par l’évêque Antonin, que la politique des Soviets cherche à grandir et à promouvoir à la place de l’Église orthodoxe ancienne, va tenir un synode le 15 avril ; elle jugerait, dit-on, le patriarche Tikhon, quelle déclarerait sans doute déposé et qui va être en même temps jugé par le tribunal révolutionnaire. A ces martyrs, catholiques ou orthodoxes, héros d’une même sainte cause, honneur et gloire ! A leurs assassins, honte éternelle !

De pareils crimes dénotent la joie cynique que prennent les gouvernants communistes à braver l’opinion universelle et à se