durèrent peu. L’artillerie française commençait son tir et les effets, jusqu’alors inconnus, de pièces d’invention toute nouvelle, causèrent chez les défenseurs de la place une profonde terreur.
« Il n’y avait homme, — dit un contemporain, — qui osât s’aventurer sur le mur, à cause des traits de ceux qui assaillaient. Les dits assaillants avaient une manière d’instruments nommés couleuvres, qui jetaient des pierres et des plombées, mais ne faisaient point de noise (bruit), sinon un peu siffler. Elles jetaient aussi droit qu’une arbalète [1]. » Aussi droit qu’une arbalète ! Tension de la trajectoire : c’était le premier pas vers les formidables progrès de l’artillerie moderne.
Mais, bien plus qu’en ses canons, Jeanne se fiait à la volonté divine ; elle devait terminer sa mission : le Roi l’attendait à Saint-Denys ; ce soir même, elle irait l’y chercher pour le rendre à son peuple qui l’acclamerait dans Paris.
Pour aller reconnaître le point d’assaut, la Pucelle, d’une marche alourdie par sa pesante armure, descendit dans le fossé à sec, le premier qui se présentait à elle, puis confiant son étendard à un écuyer et prenant une lance, elle se bissa sur le terreplein séparant le premier fossé de celui qui, longeant la muraille, se trouvait rempli d’eau.
A peine avait-elle paru en cet endroit découvert qu’une grêle de traits s’abattit autour d’elle, fichés si nombreux en terre, dit un témoin, « qu’elle en paraissait hérissée [2]. » Mais sous le blanc harnois (ainsi nommait-on l’armure de l’homme d’armes, à cause du brillant éclat de l’acier), quiconque le portait était à peu près invulnérable aux traits d’arc ou d’arbalète ; seules étaient exposées les parties de la jambe que, pour la facilité de la marche, il avait fallu découvrir.
Après avoir, du bout de sa lance, reconnu dans le fossé la profondeur de l’eau, Jeanne donna l’ordre d’apporter les fascines et de préparer les échelles.
Au seul bruit de ces préparatifs, le peuple, dans la ville, commençait à s’agiter : « A cette heure, — écrit ce jour-là, en marge des registres du Parlement, le greffier de ce corps, alors soumis aux Anglais, — il y eut dans Paris gens affectés ou corrompus