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fenêtre : l’observation devient minutieuse et forcée. Le médecin observe le malade, mais celui-ci le lui rend bien. Si la mode était aux portraits comme autrefois, nous serions étonnés de celui que certains malades feraient de nous sur le verso de leur feuille de température. En dernière analyse, la maladie fait autour de l’esprit un grand silence qui favorise la pénétration sur tous les points où la sensibilité est intelligence.

Il y a des difficultés si le malade s’entend à la médecine, s’il est médecin lui-même.

Il y a en a d’autres avec les femmes. Bien souvent, elles mettent quelque chose de particulier dans les sentiments que le médecin leur inspire, confiance et gratitude. Ce n’est pas l’amour et, s’il vient, nous tombons dans l’exception et sortons de notre sujet : « L’amitié, dit La Bruyère, peut exister entre gens de différents sexes, exempte de toute grossièreté. Une femme cependant regarde toujours un homme comme un homme, et réciproquement un homme regarde toujours une femme comme une femme. Cette liaison n’est ni passion, ni amitié. Elle fait une classe à part. » Il est vrai qu’un médecin de la plus grande réputation perd une partie de son prestige auprès de certaines femmes, s’il se marie ; il le reprend, s’il devient veuf. Ces femmes sont irréprochables, d’une vertu haute et même exquise. Il est vrai encore qu’elles ont une sorte d’émulation entre elles au sujet de leur médecin. Elles souffrent de certaines préférences. Qu’est-ce donc que ce sentiment ? Nous répétons qu’il n’est pas l’amour, et qu’il lui faudrait franchir un grand pas pour le devenir. C’est une nuance, un rien, qui tient au sexe comme la douceur de la voix et le dessin de la gorge. S’il en est effrayé, le médecin rendra sa conversation sèche ; si trop il s’y complaît, il risque de la gâter d’une autre manière.


Une belle culture générale chez le médecin et le malade les rapproche et favorise leur conversation. Le désaccord sur des points importants, comme la politique et la religion, peut beaucoup gêner.

La politique n’est pas très nuisible. Sans doute le bourgeois d’une petite ville de province choisira de préférence un médecin de son opinion, mais cela n’est pas toujours possible, ni surtout nécessaire. On voit tous les jours des hommes, que tout sépare