temps et librement, l’émancipation aurait pu donner la paix et la vie à l’Irlande : mais l’Angleterre a trop tardé ; à la dernière heure, en 1914, elle reprenait encore la promesse donnée, et bientôt ses Black and Tans allaient répandre dans l’Ile sœur le crime et la terreur et développer tous les germes de démoralisation, tous les ferments d’exaspération. Ce que nous voyons aujourd’hui en Irlande, c’est, pour une bonne part, la conséquence de la politique égoïste et tyrannique qui a été pendant des générations celle de l’Angleterre vis à vis de l’Irlande.
C’est aussi la conséquence de l’Extrémisme. Les temps, en maints pays, sont à la violence. En Italie, en Allemagne, en Orient, à des degrés divers, elle sévit. Parfois elle réussit. Le monde, dit-on, lui appartient ; rien dans l’histoire ne se fait que par elle, car elle seule peut rompre le cercle fatal, la chaîne des intérêts, des préjugés, des habitudes. Nous ne croyons pas qu’elle doive être condamnée partout et toujours. Mais si la terre, comme le ciel, souffre violence, encore faut-il qu’elle soit légitime, c’est-à-dire fondée sur le droit, qui la justifie, et sur la nécessité, qui ne laisse aucune autre issue. Sans quoi elle porte sa peine à sa suite, et ce qu’elle fonde ne dure pas. Est-elle passion au lieu d’être raison ? Alors l’expérience prouve qu’on ne fait pas à cette passion sa part ; comme toutes les passions, elle devient tyrannique et exclusive, elle vous tient, vous mène où elle veut et se retourne un jour contre vous ; tout se paie à la fin : l’ordre se venge. » — Il s’est terriblement vengé depuis deux ans en Irlande ! — Ce qu’il y a de tragique dans le « cas » d’Erin, dans l’histoire des origines de l’Extrémisme, telles que nous avons essayé de les retracer, c’est que sa responsabilité n’a pas été entière, c’est qu’elle a été jetée en dehors des voies constitutionnelles, d’abord par l’exemple et la menace des Orangistes, qui les premiers, dès 1913, ont fait entendre l’appel aux armes, puis par le refus de l’Angleterre de lui concéder le home rule promis et voté, enfin par la coercition qui suivit, par toutes les vexations et persécutions britanniques. L’Irlande nationale a de ce chef une large excuse, et elle paie aujourd’hui pour une faute qui n’est pas entièrement la sienne. Mais qu’il y ait eu faute et qu’elle ait elle-même sa part de responsabilité dans la faute, cela ne nous parait pas niable. Car elle avait, après 1914, une autre voie ouverte que celle de la violence. Si elle avait continué, comme elle avait commencé, à faire noblement son