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V

Voilà donc enfin qu’après la Dail le peuple lui-même s’est prononcé, par un verdict inattaquable, pour l’acceptation du traité et contre les agissements révolutionnaires des irréductibles. Ceux-ci ont joué devant le pays leur dernière carte légale, ils ont perdu la partie, ils n’ont plus qu’à se soumettre. Or c’est justement ce qu’ils ne veulent pas, ce qu’ils ne peuvent plus faire : la folie de violence qui les tient ne les lâche plus. Ils sont engagés trop à fond ; les ponts sont coupés derrière eux. Comme ils ont en janvier refusé d’accepter la décision de la Dail, ils refusent maintenant d’accepter celle du corps électoral. De son côté, le Gouvernement n’a plus d’excuse pour temporiser ; sous peine de manquer à son plus élémentaire devoir, il doit rétablir l’ordre et faire respecter la volonté du peuple. Le Gouvernement britannique ne manque d’ailleurs pas de lui signifier que, pour le respect du traité, il faut qu’il mette les républicains à la raison. A Dublin, le 28 juin, après dues sommations, les troupes régulières attaquent le Palais de Justice, centre des forces révolutionnaires, puis tous les points occupés par les irréguliers, notamment dans O’Connell street. Pendant huit jours, c’est la bataille dans la capitale, la guerre de rue à rue et de maison à maison, le cheminement dans les sous-sols et la fusillade sur les toits. Force finit par rester à la loi ; les rebelles dublinois, Rory O’Connor en tête, se rendent ; Cathal Brugha est tué ; la semaine a coûté 65 tués et 270 blessés, dont beaucoup parmi les civils ; il y a 700 prisonniers, 25 immeubles détruits et pour 5 millions de livres de dégâts matériels. De Dublin, la guerre se transporte dans les provinces, surtout dans le Sud-Ouest où les troupes républicaines sont peu à peu refoulées et chassées, non sans vive résistance, de tous les centres urbains qu’elles occupaient, Limerick, Waterford, Cashel, Tipperary, Cork, de sorte que vers la mi-août, l’armée rebelle peut sembler militairement vaincue, au moment même où l’autorité régulière se voit affaiblie par un double deuil, la mort de Griffith, qui succombe à une maladie de cœur, et celle de Collins, assassiné par les irréductibles.

Mais la rébellion ne s’éteint pas pour cela. La guerre se transforme en guérilla. Tous les moyens d’attaque ou de résistance