jouent le premier rôle. Volontiers ils diraient comme Royer-Collard : je méprise un fait. Fidèles aux formules rigides, aux affirmations définitives qui font sur l’adversaire l’effet de provocations, ils pensent que concéder quoi que ce soit, fût-ce par implication ou prétérition, sur la rigueur d’un principe, c’est se rendre sans condition. Ils manquent du sens du réel et du possible. Quand on leur dit qu’une nation ne vit pas de théories et que le sentiment n’est pas une politique, ils répondent que l’idée saura vaincre par sa seule force, et que, des opportunistes ou des idéalistes, ce sont ces derniers qui représentent les vrais hommes pratiques. La force des choses leur semble vicier toutes choses : négocier avec l’Angleterre, c’est obliger un homme désarmé à discuter avec un homme armé qui braquerait son pistolet sur le premier. Ils sont dupes de naïves illusions et de chimériques prétentions : c’est ainsi que, selon M. de Valera, de deux nations voisines et adverses, l’une faible et l’autre forte, c’est la plus faible qui comme telle aurait droit à réclamer de la plus forte des gages de sécurité ; l’Irlande, État neutre, devrait aussi voir garantir son inviolabilité par les États-Unis, les Dominions britanniques, etc. ! Convaincus d’ailleurs qu’ils sont sortis de la guerre anglo-irlandaise victorieux, et invincibles, — n’est-ce pas l’Angleterre qui est venue leur offrir la paix ? — ils se croient en mesure d’exiger d’Albion, réduite à quia, des sacrifices sans limite.
N’est-ce pas miracle que, dans des conditions aussi défavorables, les négociations aient pu aboutir, et même commencer, car entre les faits positifs, sur lesquels on est à Londres prêt à discuter, et les principes abstraits où on se tient à Dublin, il n’y a pas plus de point de contact qu’entre deux plans parallèles. De fait, après que M. Lloyd George eut offert à l’Irlande, en mise de jeu, le statut de Dominion, moins six réserves financières et militaires, offre repoussée d’abord avec dédain par les Irlandais, trois mois se passent en vaines controverses épistolaires avec le « Président » de Valera. Celui-ci, tout en détruisant pièce à pièce tous les arguments, toutes les propositions adverses, ne cesse de proclamer la souveraineté et l’indépendance irlandaise, et son refus de l’allégeance au Roi, du ton le plus doctoral, avec une hauteur voisine du défi : il voudrait rompre les ponts qu’il ne s’y prendrait pas autrement ! Devant ce flot de dialectique intransigeante, M. Lloyd George, d’habitude