A ce revirement soudain de la politique britannique vis à vis de l’île sœur, il y avait, à vrai dire, des raisons impérieuses. D’abord, et c’est le fait essentiel et décisif, la coercition, avec toutes ses rigueurs, la guerre, avec toutes ses horreurs, ont échoué contre l’insurrection irlandaise. L’Angleterre n’a pas réussi à venir à bout de la résistance d’Erin. Pour réduire militairement les rebelles, combien d’années faudrait-il, et combien de dizaines de milliers d’hommes en plus des 60 000 soldats déjà engagés, alors que le temps passe et que les effectifs font défaut ? L’Angleterre n’a d’ailleurs que trop de difficultés de toute sorte de par le vaste monde, il lui faut alléger ses positions et avoir d’abord la paix chez elle. Et puis l’Irlande de nos jours n’est plus seulement en Irlande, elle est partout dans le monde anglo-saxon, et la question irlandaise a de beaucoup dépassé le cadre du Royaume-Uni. Les excès britanniques, les « représailles, » les atrocités des Black and Tans ont fait au dehors un tort immense à l’Angleterre. Toute sa politique extérieure s’en ressent. Aux Etats-Unis, son prestige en est fort ébranlé, et il importe qu’à l’heure où va s’ouvrir la conférence de Washington, John Bull ait rétabli son crédit chez le cousin Jonathan par un acte de conciliation à l’égard des Irlandais. Au sein même de l’Empire, la réaction est très vive contre l’« impérialisme » anglais en Erin. Comme avec les Irlandais-Américains, l’Angleterre doit compter avec la diaspora irlandaise qui s’agite, minorité remuante et puissante, dans les Dominions et les colonies. Justement, le 20 juin, se réunit la Conférence impériale des premiers ministres. Si officiellement elle ne doit pas traiter des affaires d’Irlande, elle ne manquera pas de s’en occuper officieusement. Déjà, à Londres, le général Smuts, l’ex-adversaire de lord Roberts dans la guerre du Transvaal, rallié depuis lors à l’Empire et devenu premier ministre loyaliste de l’Afrique du Sud, un homme dont la voix est autorisée et écoutée, a pressé le Gouvernement de renoncer en Irlande à une politique de force qui risque de « miner la substance même de la communauté britannique ; » et ainsi a fait M. Meighen, premier ministre du Canada.
Ainsi le Gouvernement de Londres n’a plus le choix : impossible de continuer dans la voie de la violence, force lui est de négocier, quitte à reprendre la guerre en cas d’échec. Mais il se trouve que négocier même est fort difficile, et M. Lloyd