Bernard Palissy, que M. Pierre Hamp déclare supérieur à Vatel. Je le crois bien ! direz-vous ; les œuvres de Palissy sont au musée : nous n’allons pas les comparer à ces mangeailles que Vatel préparait à merveille… Ce n’est pas pour cela que M. Pierre Hamp déclare le céramiste supérieur au cuisinier, mais pour une fine raison de qualité morale. Il admire, en Bernard Palissy, une persévérance qui le protègea contre le désespoir : tandis que Vatel « eut un chagrin mortel et cessa d’espérer. » Cette remarque est bien jolie… « La vertu de ce potier est des plus grandes parmi celles qui donnent au caractère humain le signe de noblesse. Il ne cherchait point à être maître des autres, mais seulement de lui et si durement qu’aucun maître n’aurait pu croire possible d’obtenir par l’autorité et la terreur un tel effort… » M. Pierre Hamp voudrait qu’une hagiographie du travail servît à l’enseignement de la morale. Pourquoi ne l’écrirait-il pas lui-même, la vie des Saints laborieux et qui ont aimé leur besogne, fût-elle ensemble très pénible et de très petite apparence ?
Il a très bien parlé des vieux métiers, dans son livre le Travail invincible, qui est du temps de la guerre et qui est un livre en désordre, où se mêlent sagesse et imprudence. Il note les horreurs de la guerre et pose en principe ceci : quand une idée oblige l’homme à subir d’affreux tourments, l’homme y renonce et l’idée meurt. Ainsi mourra l’idée de patrie ; elle sera, dit-il, « perdue par son triomphe ; elle a trop procuré la mort aux hommes. » Il le dit : et c’est qu’il le croit. S’il le croit, c’est qu’il le désire. Cependant, l’idée de patrie n’est pas mourante le moins du monde : voilà le fait, que tous les désirs qu’on a ne modifient pas. Laissons cela, qui est l’évidence à l’encontre de la doctrine. Mais, en vérité, M. Pierre Hamp souhaite-t-il que disparaisse le sentiment, comme la réalité, d’une patrie ? J’en doute, quitte à le fâcher, quand je lis cette page de lui : « La Flandre gardait de très vieux métiers. Survivront-ils ? Reverra-t-on les vieilles quenouilleuses qui, vers Saint-Waast, Valenciennes, filaient encore à la main ? Elles faisaient les fils trop fins pour être produits sur les broches des métiers de filatures. Les quenouilleuses achetaient la meilleure filasse tirée des lins rouis en Lys. Les liniers leur réservaient les plus longues et douces tiges et les plus blondes. Ces fileuses à main étaient de vieilles femmes en bonnet blanc, qui suçaient du sucre candi pour pouvoir mouiller leur index droit à une salive sirupeuse propre à bien coller le fil. Elles pinçaient à la quenouille à ruban bleu deux brins de lin, c’est le moins qu’on peut prendre pour filer… » Voilà les quenouilleuses ; puis il y a les tisseurs, qui travaillent avec