ses contemporains dont on pourrait invoquer le témoignage, comme Tallemant des Réaux et les autres, ne se sont visiblement inspirés que de lui et se sont bornés à le copier. Les frères Parfaict, dans leur Histoire du Théâtre français, ont déjà bien remarqué que le récit de Pellisson « sert de fondement à tout l’article de la querelle du Cid. »
Or, Pellisson avait douze ans quand les faits dont il parle se sont passés. Il vivait au fond du Languedoc, à Castres-sur-l’Agout. Il n’a donc rien su que par ouï-dire. Venu à Paris en 1632, et ayant acheté une charge de secrétaire du Roi, — quoique protestant, — c’est à vingt-huit ans, que, pour se faire connaître, il a entrepris son Histoire de l’Académie française, qu’il a publiée au bout d’un an de séjour. Cette histoire est digne de foi, tant que l’auteur suit les registres de l’Académie aujourd’hui perdus. Pour toutes ses autres assertions, il faut le contrôler.
Au moment où Pellisson écrivait, la mémoire de Richelieu était violemment attaquée. Celui que Gui Patin appelait « le rouge tyran » était traîné sur la claie. Nul n’osait prendre sa défense, tellement l’opinion publique déchainée contre lui se refusait à admettre aucune contradiction. Un jeune auteur qui voulait réussir n’avait pas à ménager le personnage. Pellisson va donc me tire à sa charge l’affaire qui nous occupe. Mais, notons-le avec soin, il indique bien en commençant qu’il ne se fait, sur ce point, que l’écho d’un on-dit dont il laisse entendre qu’il n’est pas autrement sûr.
Expliquant en effet la jalousie qu’a excitée chez les concurrents de Corneille le grand succès du Cid, il écrit : de cette jalousie « plusieurs ont voulu croire que le cardinal lui-même n’en avait pas été exempt. Pour moi, sans examiner si cette âme, toute grande qu’elle était, n’a point été capable de cette faiblesse, je rapporterai fidèlement ce qui s’est passé, laissant à chacun la liberté d’en croire ce qu’il voudra et de suivre ses propres conjectures. » Ainsi, il parle de « conjectures : » il laisse chacun libre de croire ou de ne pas croire ce qu’il va dire : il n’ose pas affirmer que « la grande âme de Richelieu » ait été capable de « cette bassesse. » Il continue : Scudéry publia ses Observations « ou pour se satisfaire lui-même, ou, comme quelques-uns disent, pour plaire au cardinal. » Il ajoute : « Le cardinal sembla pencher du côté de Scudéry. » Ainsi, les sentiments hostiles de Richelieu contre Corneille ne sont pas, pour