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et comment disparaissent les religions. Mais ces autodafés n’ont pu empêcher que les vieilles recettes ne survivent et ne courent encore le monde. Cet asiatisme a cheminé jusque chez nous. Racine écrit Iphigénie, où l’on égorge une jeune fille, pour obtenir des dieux qu’ils favorisent les desseins de son père, et le voilà lui-même mêlé, nous dit-on, aux horreurs de ces amoureuses qui, pour obtenir des astres la perte de leurs rivales, faisaient égorger des enfants. Il est calomnié ? Je le crois comme vous. Nous savons toutefois qu’autour de lui, des femmes, incomparables pour leur délicatesse de manières et de langage, trempèrent dans ces sanglantes ignominies.

Mais laissons… Je voulais une nuit syrienne, un approfondissement des Mille et une Nuits. Le voilà ! L’Asie est pleine de marchands de rêves. Le crime rituel n’est-il qu’un cauchemar de la crédulité populaire, une terreur imaginaire ? Ou bien est-il vrai que des pervers cherchent dans le sang, anxieusement, les moyens de l’amour et de l’ambition, et même la clef d’or du ciel ? Un tel récit, qu’il nous peigne un fait vrai ou seulement les terreurs contagieuses du peuple, mérite d’être rangé parmi les histoires exemplaires de Damas. C’est un beau coup de sonde, un noir prélèvement dans les imaginations de la vieille cité : c’est un toit soulevé entre mille maisons, et la plus violente lumière dans le cloaque où se décomposent les imaginations que traînent en lambeaux, derrière elles, les vieilles races de l’Asie.


De l’air pur ! Remontons à la surface, et plus haut s’il se peut. Au sortir de ces fosses empoisonnées, on aspire à la société des anges. Comme je suis heureux maintenant d’aller voir des religieuses !

Les Filles de la Charité dirigent deux écoles, au centre de la ville et dans le Meïdan, où neuf cents enfants apprennent à parler notre langue. En outre, dans un dispensaire gratuit, elles soignent par mois deux cents malades. Mais la place leur manque, la place, c’est-à-dire l’argent. Elles rêvent d’acheter un terrain, pour enseigner aux musulmans pauvres l’élevage des bêtes, les soins du jardinage, la culture des légumes.

La Sœur qui m’explique cela vient des Ardennes, de Charleville. C’est un pays que je puis aisément me représenter,