Je n’essaierai pas une description que le lecteur a déjà entendue de trente-six poètes, sans jamais en retenir une vision nette. Nul espoir que je réussisse mieux que mes prédécesseurs à rendre sensible par des mots ce chaos de splendeurs écroulées, cette immense jonchée de porphyre et de marbre, tout un océan de colonnes, de chapiteaux, d’architraves, de volutes. Une prodigalité sans idées, le lendemain de l’envolement d’un dieu ! Mais que ce désastre atteste de grandeur ! Ah ! c’est un temple, cela ! Ces proportions imposantes, vastes, solides et graves, qui pourraient recueillir des peuples, et au-dessus de tout, six colonnes haut placées, qui portent avec magnificence l’arche du Jupiter Soleil, cela est logique, conforme à la pensée humaine, apte à recevoir et à mettre en émoi les âmes. C’est une des plus grandes prières du monde qui se détache là, éblouissante de lumière, sur les monts de l’Anti-Liban.
Tout à côté, la petite Vega, l’oasis pleine d’arbres, avec une jeunesse inouïe, balance ses noyers, ses abricotiers, ses poiriers, ses brugnons et ses peupliers. Brillante, mouvante, rafraîchie par la divine rivière qui bruisse et serpente à ses pieds, cette verdure entoure, assaille, presse les hautes et terribles murailles. Et sur le tout, sur ce tableau contrasté de fraîcheur et de ruine, règne un ciel de feu, immense, au fond duquel se dresse le Mont des Cèdres, couvert de neige.
Parle, ruine sacrée ! Tu n’as pas de cantique ? L’un des nôtres, à l’abri des vergers qui t’entourent, a jadis entrepris de te rendre une voix. Lamartine, ici, a gémi ses plaintes sur la mort de sa fille, sans parvenir à humaniser ces grands espaces, trop dénués d’âme.
Ce que l’on voudrait entendre, c’est l’antique liturgie des Mages. Le promeneur de Baalbek appelle, du fond des siècles, un écho des hymnes savants que les processions psalmodiaient en l’honneur du Soleil.
« Des hymnes d’un symbolisme étrange, que François Cumont nous a fait connaître, chantaient les métamorphoses produites dans le monde par l’antithèse des quatre principes (feu, terre, air, eau). Le dieu suprême conduit un char attelé de quatre coursiers, qui tournent incessamment dans un cercle immuable. Le premier, qui porte sur son pelage éclatant les signes des planètes et des constellations, est vigoureux et agile, et il parcourt avec une vélocité extrême la périphérie de