comme Du Guet, il s’agissait de savoir si Molina triompherait de saint Augustin.
L’affaire de la bulle Unigenitus n’a été que le recommencement de l’affaire du Formulaire. Les jésuites ont repris la tactique qui leur avait si bien réussi quarante années auparavant. Les Réflexions morales du Père Quesnel remplacèrent alors l’Augustinus. Jamais cet ouvrage de Quesnel n’avait été incriminé. Depuis plus de vingt-cinq ans, les Réflexions, tirées à un grand nombre d’éditions, étaient dans toutes les mains ; le Père La Chaise en faisait sa lecture quotidienne, Bossuet les louait, et, lorsqu’elles furent attaquées, il en prit la défense. L’archevêque Noailles les avait d’abord approuvées. L’accusation porta sur cent cinquante-cinq propositions. La Cour de Rome se prêta volontiers à la condamnation : de tels arrêts flattaient sa prétention à l’infaillibilité et lui permettaient d’établir sa suprématie sur les Eglises nationales. Elle réduisit cependant à cent une le nombre des propositions. Cette fois encore, il s’agissait d’atteindre les antimolinistes, quitte à contredire les Pères et le concile de Trente. Le soulèvement fut général. Quatre évêques, qui pourtant ne pouvaient être taxés de jansénisme, appelèrent de la bulle au futur concile.
Ce nouveau jansénisme, le jansénisme des appelants, n’est plus, comme celui du XVIIe siècle, l’opinion de quelques bourgeois parisiens. Il gagne la plupart des ordres religieux, il se répand dans le peuple. Pour tout le reste, il ne diffère en rien du premier : même origine, mêmes maximes, mêmes vertus, et, chez ces prétendus hérétiques, même passion de l’orthodoxie. Il reste la religion des catholiques qui n’aiment pas les jésuites, mais il n’est ni une secte ni un parti.
Dans les querelles du Roi et du Parlement, il ne joue aucun rôle. Le Parlement n’est pas janséniste : la plupart des magistrats font élever leurs enfants chez les jésuites ; beaucoup d’entre eux sont des incrédules, comme Montesquieu, ou des hommes de plaisir, comme Carré de Montgeron avant sa conversion ; mais le Parlement est gallican : s’il protège les appelants, c’est afin qu’une bulle pontificale ne devienne pas une loi d’Etat.
Jamais le jansénisme ne se fit l’allié des philosophes. Voltaire sembla d’abord lui être favorable, mais il le malmena, après s’être réconcilié avec les jésuites.
On a voulu rendre les jansénistes responsables de l’expulsion