Ce qui est plus à craindre pour notre civilisation, c’est qu’elle n’évolue pas vers le culte des choses de l’esprit, culte qui a fait sa grandeur.
De l’autre côté de l’Atlantique, le dieu dollar règne, dit-on, en maître. Eh bien ! c’est là, en toute certitude, une calomnie, car aux États-Unis il y a des foyers d’idéalisme admirable, parfois même une religiosité mystique à laquelle les Latins ont quelque peine à s’initier. De l’autre côté de l’Atlantique, on observe souvent un bel effort de moralité qu’on pourrait difficilement rencontrer dans nos vieilles sociétés européennes. Si nous ajoutons à ce grand effort vers une moralité supérieure l’amour de toutes les innovations matérielles et la haine de toutes les routines, nous trouverions dans la civilisation américaine des exemples dignes d’être proposés à nos jeunes générations.
D’ailleurs, s’il y a des milliardaires en Amérique, c’est-à-dire des hommes qui, par de hardies spéculations ou des inventions ingénieuses, se sont démesurément enrichis, ces milliardaires savent être d’une générosité presque inconnue chez nous, peut-être parce qu’il n’y a pas de milliardaires chez nous. En tout cas, Rockfeller, Carnegie, et d’autres encore, consacrent noblement une grosse part de leur fortune à des œuvres scientifiques ou sociales. En fait de prodigalité pour le bien, les Américains sont nos maîtres. Leurs bibliothèques sont incomparables ; leurs instituts scientifiques, cent fois mieux pourvus que les nôtres. C’est donc une sinistre ingratitude que de prétendre qu’ils n’ont d’encens que pour le « dieu dollar. »
Si Pasteur avait été Américain, il n’aurait pas passé son existence à lutter contre de mesquines difficultés matérielles. Certes, il n’aurait pas pu créer un plus bel édifice que celui qu’il a construit sur les ruines de l’ancienne médecine. Tout de même, faciliter sa tâche eût été plus digne de nous.
IX
Et maintenant, il faut conclure.
Au début de cette courte étude, je cherchais à savoir de quoi était constituée la civilisation : il semble que maintenant on s’en formera une idée un peu moins confuse. Elle demeure cependant très complexe ; car les éléments divers qui la constituent