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Je prie Votre Altesse Impériale de vouloir bien agréer l’hommage de mon profond respect et entier dévouement.

C. CAVOUR.


Turin, 4 février 1860.

Monseigneur,

Je remercie Votre Altesse Impériale de la lettre qu’elle m’a envoyée par Farini. J’y ai retrouvé, avec bonheur, la preuve que les événements de l’année dernière n’avaient pas altéré l’extrême bienveillance dont Votre Altesse m’honore depuis longtemps, ni affaibli sa noble et généreuse sympathie pour l’Italie.

Je suis convaincu, autant que Votre Altesse, de la nécessité d’un accord parfait entre la France et la Sardaigne. Aussi, appelé inopinément à former un ministère au moment où je me préparais à partir pour Paris, j’ai persisté dans mes projets de voyage, malgré les conséquences fâcheuses pour la politique intérieure que mon absence pouvait avoir. Un avis venant de la source la plus élevée, et se fondant sur des motifs dont il était impossible de méconnaître la gravité, m’a fait renoncer à mes idées de voyage. J’ai cherché immédiatement un autre moyen de communication intime. Non que je n’aie dans la largeur et la capacité de M. Desambrois la plus entière confiance, mais parce que sa nature, taciturne et excessivement réservée, le rend peu propre aux négociations qui doivent avoir lieu à Paris. D’après ce que M. de Talleyrand me dit au nom de M. Thouvenel, je jugeai que l’envoi à Paris de M. Nigra pourrait avoir des inconvénients. Je pensai alors au comte Arèse. Ce choix ayant été agréé, je le priai de se rendre sur-le-champ à son poste. Il serait déjà parti, si une légère maladie ne l’eût retenu, et ne le retint aujourd’hui encore dans son lit. Il espère toutefois pouvoir se mettre en route demain ou après-demain au plus tard. Je prendrai la liberté de remettre au comte Arèse une lettre pour Votre Altesse. Mais je la prie dès à présent de vouloir bien l’accueillir avec la bonté qu’elle témoigne à tous ceux qui viennent, auprès d’elle, plaider la cause de l’Italie.

J’ose affirmer à Votre Altesse qu’elle porte à mon égard un jugement trop sévère par rapport à la question de la Savoie et