Quand on sut qu’un ordre formel des médecins avait interdit h M. de Mun la tribune, dont les émotions violentes pouvaient lui être fatales, la sympathie fut unanime. On le plaignit et on se plaignit : il peut arriver aux partis de valoir mieux que leurs passions !
M. de Mun, après le discours qu’il prononça le 14 octobre 1902, ne monta pas à la tribune pendant neuf ans. Croyant sa santé améliorée, il tenta au dehors une expérience en adressant, le 29 novembre 1903, à l’Association catholique de la Jeunesse Française, une allocution où son talent fut égal à lui-même dans l’expression de sa foi religieuse et de sa foi sociale.
II fit le procès des « catholiques honoraires » et il trouva des accents magnifiques pour prêcher la confiance et l’action. Mais il avait trop présumé de ses forces et il dut renoncer à renouveler cet effort. Heureusement que si la parole lui était refusée, il lui restait la presse pour s’expliquer sur les affaires publiques et continuer sa propagande. Moins écrivain qu’orateur, il maniait pourtant la plume avec un réel talent, fait de clarté, de mouvement, de fine et pressante ironie. Même, il se révéla polémiste. Il n’avait pas l’âpreté railleuse, la verve pittoresque, l’abandon débraillé de Louis Veuillot ; mais ses traits, lancés d’une main plus aristocratique, manquaient rarement le but qu’ils voulaient atteindre. Ses Combats d’hier et d’aujourd’hui sont l’histoire critique des événements publics pendant une dizaine d’années. Mais il faut dire nettement qu’ils ne sont pas l’histoire. M. de Mun écrivait presque au jour le jour, pressé par l’actualité, dans la hâte un peu fiévreuse de l’article attendu, sous l’action immédiate d’événements dont il ne pouvait pas toujours connaître les dessous, les raisons et les conditions. L’opposition ne s’embarrasse pas des difficultés dont le pouvoir, qu’elles gênent ou qu’elles retardent, est souvent contraint, pour mieux agir et pour agir à son heure, de taire la réalité. Il est plus aisé de faire une critique que de porter une responsabilité. M. de Mun voulait, de toute bonne foi, être impartial, mais il n’était pas toujours juste. En revanche, sa courtoisie était impeccable. Il ne s’attaquait aux personnes que dans la mesure où il fallait les nommer pour dénoncer leurs idées. Cette modération lui permettait