et il le lui écrivait, sous une forme pressante et pittoresque : « Dans un discours d’un orateur en uniforme, il faut du sabre, ou tout au moins du fourreau. Hier, je n’en ai pas trouvé assez. C’est le sabre qui fait valoir l’épaulette ; l’auditoire est déconcerté lorsque, au lieu d’une estafilade, il emporte une bénédiction. » Il lui demandait de donner à son éloquence un « cachet de caserne… Il manque le plus beau des gestes au soldat orateur qui ne dégaine pas ; on se demande pourquoi ce soldat n’est pas avocat ni prêtre. Dégainez, sabrez, empoignez ! Un coup de sabre à propos est une belle aumône, une très grande charité… Ne soyez pas un homme de grand mérite qui dit inutilement de bonnes choses. »
Évidemment Veuillot parlait au figuré, et s’il conviait le comte de Mun à devenir un « ange exterminateur, » il n’attendait de lui que des exterminations oratoires. Mais tandis qu’il lui disait : il faut aller plus outre, d’autres trouvaient qu’il avait déjà outrepassé la mesure et qu’il y avait une incompatibilité évidente entre l’uniforme et la propagande. Je ne saurais penser qu’ils eussent tort, et M. de Mun lui-même a reconnu depuis qu’il y avait quelque chose d’anormal et de contraire au bon ordre de l’armée dans la liberté dont il jouissait de prononcer en tenue des discours politiques. Il n’avait jamais demandé ou prétendu exercer un privilège. Mais que fut devenue la discipline, si tous les officiers, de tous les partis et de toutes les religions, avaient mis leur uniforme au service de leurs opinions et de leurs croyances ? Des incidents se produisirent, qui eurent leur écho jusqu’à la tribune de l’Assemblée nationale. M. de Mun comprit que son devoir ne lui laissait le choix qu’entre deux sacrifices : il se résigna à sacrifier son grade d’officier plutôt que de renoncer à une œuvre où sa conscience et ses responsabilités morales étaient si fortement engagées. Il prononça son dernier discours en uniforme le 22 mai 1875, à la clôture de la troisième assemblée des Cercles catholiques. La réunion était présidée par le cardinal Guibert : cette seule présence était un succès pour qui se rappelait l’accueil peu encourageant fait trois ans avant par l’archevêque de Paris à l’œuvre naissante. Le discours de M. de Mun fut à la fois un compte rendu et un programme. L’orateur se félicita des résultats obtenus : ne faut-il pas être optimiste dans l’action ? Mais, à distance, on est frappé de la part d’illusion qu’il y avait dans