Chronique 28 février 1923
La révolte de l’Allemagne contre le Traité de Versailles est complète et dégénère en une guerre d’un genre nouveau : guerre économique, guerre financière, guerre morale. Quand il parle de la France et de la Belgique, le Chancelier dit « nos ennemis ; » il organise et dirige sa bataille. Nous sommes engagés dans une épreuve de force — Kraftprobe — et d’endurance, de patience et d’organisation. Cette guerre, nous ne pouvons pas la perdre, à moins de le faire exprès, puisque nous tenons les gages essentiels et les positions dominantes ; mais la question de savoir dans quelle mesure, par quels moyens nous la gagnerons importe au plus haut point à l’avenir de la France et de la paix générale. La lutte est moins tragique que ne le laisseraient croire les récits des journaux, même des nôtres, qui publient parfois, sans un contrôle suffisant, des nouvelles exagérées ou controuvées ; mais elle sera longue et, pour que l’épreuve soit décisive, il ne faut pas qu’elle soit brève ; les Allemands, avec leur goût inné du jeu et du risque, engagent une suprême partie, un « quitte ou double » formidable : ils tiendront longtemps. Gouvernement, anciennes classes dirigeantes et privilégiées, militaires, fonctionnaires, suppôts du régime déchu, tous ces éléments qui constituent ce phénomène historique qui s’appelle, d’un nom qui ne convient qu’à lui, le militarisme prussien, obéissant au grand chef d’orchestre Stinnes, travaillent avec ensemble et discipline à exalter l’orgueil national et les passions traditionnelles du peuple allemand ; le socialisme et la démocratie, noyés dans cette vague de haine, disparaissent : on ne les reverra qu’au jour du nouveau désastre. S’il y a des mécontents, — et il y en a beaucoup, — ils n’osent se montrer. Le peuple allemand souffre matériellement et surtout moralement, dans le prodigieux orgueil que ses maîtres cultivent et développent pour mieux le dominer ; ses souffrances réelles achèvent