fâcheuses bévues. M. André Thérive annonce le projet de « rétorquer » un argument par un autre : il le réfutera. Qui oserait, là-dessus, jeter la pierre à M. Thérive ? Ce n’est pas moi. Nous avons tous, tant que nous sommes, des fautes à nous reprocher… « Il y avait, dit notre auteur, chez les écrivains de la décadence latine ou du pré-moyen âge, une clause de style qui nous étonne bien aujourd’hui… » Elle ne m’étonne pas et me touche par une sincérité, une politesse et une excellente humilité… « Elle consistait en un paragraphe où l’auteur déplore sa propre ignorance, l’avilissement du langage dont il se sert, où il demande par avance le pardon de ses solécismes… » Par exemple, Grégoire de Tours, dans la préface qu’il a écrite pour son Histoire des Francs : « Malheur à ce temps qui a vu périr l’étude des belles-lettres et où personne ne sait plus fixer pour l’avenir la mémoire des événements ! Les arts libéraux ont quitté la terre de Gaule. Nul ne possède plus la dialectique ni la grammaire. Aussi excuserez-vous, de grâce, mes erreurs de lettres ou de syllabes : j’ai été si mal instruit ! » Nous devrions, tous tant que nous sommes, adresser mentalement pareille prière à nos lecteurs et souhaiter avec bonne foi qu’ils en reconnussent l’opportunité.
Il n’y a point de livres qui soient sans fautes. Et c’est l’infirmité d’un chacun, son infirmité naturelle, rendue beaucoup plus dangereuse par l’ignorance aujourd’hui ordinaire. Quelques écrivains cependant évitent les fautes principales et les méprises trop nombreuses. Eh bien ! c’est encore parmi ceux-là, — les autres, laissons-les, pour un instant, — qu’on a souvent l’occasion d’observer un affaiblissement du langage. Ils ne se trompent guère de mots, en général ; mais ils les emploient comme des étiquettes. Ils n’ont pas l’air de savoir que les mots sont, mieux que des étiquettes placées pour la commodité sur un objet ou une idée, l’idée même de cet objet ou l’idée même d’une idée. Entre l’objet ou l’idée que voilà désignée et le mot qui les désigne, la réunion s’est faite au cours des âges. Les idées ou les objets et les mots ont vécu ensemble durant des siècles d’activité, de rêverie et de tribulation perpétuelle. Objets ou idées et leurs mots sont de vieux compagnons, pleins de communs souvenirs ; ne les traitez pas comme s’ils venaient de se rencontrer. Prenez les mots avec tous leurs souvenirs, avec leur passé. Ainsi, vous les respecterez ; en récompense, ils vous donneront tout ce qu’ils possèdent, qui est tout l’objet, qui est toute l’idée, non seulement une apparence, mais une vivante réalité. Ils vous donneront tant que vous n’aurez pas recours à un très grand nombre d’entre eux : un petit