M. André Thérive, jeune écrivain, poète et romancier, que j’ai loué ici même, vient de publier un curieux volume, et contestable sur quelques points, à mon avis, mais où il montre beaucoup de zèle pour la défense de la langue française. Or, la plupart des jeunes écrivains, si la langue française les occupait, ce n’est pas sa défense qu’ils tenteraient : ce serait, pour reprendre les mots de Joachim du Bellay, son illustration. Où ils auraient tort. À présent, notre langue n’a aucunement besoin qu’on l’enrichisse. On ne l’a que trop enrichie ; on lui fait tous les jours les cadeaux les plus abondants, inutiles et fort laids, de néologismes et d’absurdités. Il vaudrait mieux l’appauvrir ou, du moins, lui rendre l’usage de son véritable trésor, qui n’est point immense et qui est beau. Ainsi le souhaite M. André Thérive, bon écrivain, judicieux humaniste.
La nouvelle corruption de notre langue le chagrine ; elle le désespère : et le désespoir le mène à des conclusions dangereuses. Le remède qu’il propose ne me paraît point acceptable ; mais son diagnostic est juste et bien formulé.
Il examine le vocabulaire, il examine la syntaxe. Il trouve que le vocabulaire est avili, et la syntaxe détraquée. Il a raison.
Que s’est-il passé ? On ne sait plus le sens des mots ; on les emploie d’une façon tout à fait aventureuse, on prend l’un pour l’autre. Ceux qui veulent dire à peu près ce qu’on avait l’intention de dire, n’est-ce pas le hasard qui vous les a procurés ? Tel est le malheur des temps que des écrivains attentifs commettent parfois de
- ↑ Le français langue morte ? par André Thérive (Plon).