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encore : « Ce livre, m’avez-vous dit, est celui que vous êtes le plus satisfait d’avoir écrit. Votre jugement ne vous a pas trompé. Il y a dans cette œuvre plus de vigueur concentrée, un style plus égal et plus soutenu que dans vos précédents écrits. » Tel était l’ancien usage. La réception du nouvel académicien était la dernière leçon de modestie qu’il recevait de ses pairs, et qu’il rendait par la suite à ceux qu’il recevait à son tour. On lui rendait justice, mais en marquant avec soin les bornes de son talent.

M. Ribot venait ainsi de parcourir l’œuvre de M. Goyau, en mêlant les éloges et les réserves, quand il en est venu à l’histoire la plus récente de l’Église de France. À ce moment sa voix, je veux dire celle de M. Bédier, est devenue plus solennelle. Il s’est fait, dans ce public assemblé, un grand silence. Minute étrange et émouvante. Le mort semblait revivre et donner d’outre-tombe un avertissement aux Français, d’être unis dans le respect de leurs convictions différentes. « Ce vœu d’une réconciliation dans la liberté, je l’ai formé à toutes les époques de ma vie. Je me suis séparé parfois de mes amis pour défendre une cause qui me paraissait liée à l’intérêt de la patrie elle-même. Quoique j’approche du terme d’une carrière déjà longue, je ne désespère pas de voir la France victorieuse et toujours menacée rassembler ses forces, écarter les querelles qui ne peuvent que l’affaiblir et, sans rien abdiquer des principes de la Société moderne, se reposer enfin sur l’union sincère de tous les hommes de bonne volonté.. » Grave témoignage, paroles venues des régions immortelles. Cette pensée qui n’est plus attestait encore sa foi dans la patrie.

Henry Bidou.