concordaient avec la présence de Léonard à Milan, sans tenir aucun compte du style ni de la technique du jeune maître. Mais elle montre que la valeur d’art des œuvres d’Ambrogio était très au-dessus de la moyenne et pouvait, à la rigueur, passer pour une première manière de Léonard. Il a gravé quelques médailles et l’on verra que Maximilien Ier remprunta à son oncle Ludovic, pour faire exécuter les coins de ses monnaies impériales.
Léonard avait trop peu produit, pour prétendre à le remplacer, d’emblée, comme peintre officiel, pensionné par la liste civile du Château. Il n’aurait pu montrer que cette Annonciation des Offices, œuvre presque impersonnelle, qu’Ambrogio aurait pu signer, et qu’il avait laissée à Florence, aux mains des moines qui la lui avaient commandée.
S’il avait quitté la ville du Lys rouge, trop riche en artistes déjà glorieux, c’était pour fuir les compétitions journalières, où son génie lent à parfaire des œuvres de méditation, ou son goût de musardise, l’empêchaient de lutter avec les productions faciles, plus abondantes, et plus à la mode, de ses condisciples de l’atelier de Verrochio. Il n’était pas venu à Milan pour recommencer la lutte.
Cet admirable sens diplomatique, qui lui valut l’amitié constante des grands, lui conseillait d’attendre et de faire naître une occasion propice pour produire, à son temps, une œuvre décisive, sans porter ombrage au peintre de la cour. Il semblerait, même, qu’il se mit, en quelque sorte, sous sa protection ; car on le vit bientôt souscrire, de moitié avec Ambrogio da Predi, un engagement de peindre un rétable pour les Frères servites de la Conception de Milan. Léonard se chargeait du panneau central devant représenter la Madone ; Ambrogio se réservant la peinture des deux volets.
Ce contrat n’eût jamais été connu, sans doute, si les lenteurs de Léonard n’avaient exaspéré les moines qui s’adressèrent, à la fin de 1493, à Ludovic le More pour obtenir satisfaction. L’œuvre était peinte cependant. Mais le maître, estimant qu’elle lui avait coûté des années de méditation et de besogne, qu’elle pouvait lui en demander encore, avant cet achèvement idéal que ses scrupules retardaient, voulait la conserver, si les moines n’élevaient le prix, très modeste, qu’ils avaient offert à l’origine.