— avec quel bonheur ! — aux indications surannées des couronnes d’or et des auréoles, et mêlent la sainteté du premier sacrement aux jeux des deux enfantelets nus qui esquissent leurs grands gestes d’hommes.
Dans le panneau de la National Gallery, l’ange ne parle pas au spectateur et son rôle ne s’explique plus ; car il est indifférent à la scène, quoiqu’il soutienne de ses deux mains le petit Jean dont le geste de bénédiction, — si vivement mis en lumière au Louvre, — s’atténue, ici, dans une pénombre injustifiée. Son regard erre, sans but, vers le bas du cadre, parmi les graminées et les fleurs de jardin qui ont remplacé la source alpestre. Jésus, drapé dans une gaze mauve un peu lourde, porte sur son épaule une petite croix de coudrier, comme en ont les Saint Jean dans l’hagiographie ombrienne. C’est pourquoi on l’a confondu avec son petit camarade de jeu, et inversement, dans les études de critique allemande. Il porte, comme la Vierge et Saint Jean, une auréole d’or que Léonard a bannie de toutes ses œuvres de peinture sacrée, parce qu’il y suppléait par d’autres indications plus hautes. On saisit, aussitôt, dans ces deux regards d’ensemble, les différences capitales entre les deux œuvres présumées semblables. Au Louvre, c’est le mystère baptismal qui dicte les gestes étroitement concordants de l’ange, de saint Jean, de Jésus et de la Vierge-mère, auprès de la source même du Jourdain. À Londres, l’agenouillement de l’Enfant Jésus est si anormal, devant son camarade de jeux sacrés, en l’absence de cette source nécessaire, qu’il faut inverser l’attribution des personnages, dont les gestes n’expriment plus rien. Car, comment expliquer que Jésus ne soit pas auprès de sa mère ? Pourquoi ce Fils de Dieu aurait-il besoin du secours d’un ange inspirateur ? Pourquoi bénirait-il son précurseur, contrairement à la tradition évangélique et aux textes mêmes des livres sacrés ?
Autant de questions obligatoires, quoique inconséquentes, destinées à rester sans réponse, car l’œuvre de Londres n’explique rien et laisse le spectateur perplexe. Aussi, cette seule confrontation sommaire ferait-elle attribuer au Musée du Louvre l’original de Léonard, avant que d’aller plus avant dans l’étude de ces deux œuvres et sans attendre les preuves historiques qui confirmeront, tout à l’heure, ce premier aperçu.