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et les jours suivants les ports de la côte étaient bombardés de Pisagua à Mollendo.

Cependant, la Bolivie avait réuni une division de 6 000 hommes qui, sous le commandement de son président, le général Daza, ralliait Tacna : le président du Pérou, général Prado, quittait Callao pour rallier Arica, où il prenait le commandement des forces alliées ; après avoir escorté les trois transports de ce convoi, le Huascar et la Independencia se dirigèrent vers Iquique, dont le blocus n’était assuré que par deux petits bâtiments chiliens, la Esmeralda, capitaine Arthur Pratt, et la Cavadonga, capitaine Condell.

Le 21 mai au matin, les deux cuirassés péruviens étaient en vue d’Iquique ; le Huascar se dirigeant sur la Esmeralda et la Independencia sur la Cavadonga.

Le capitaine Pratt fit hisser le signal du combat et se préparait à manœuvrer pour attirer l’ennemi vers les hauts-fonds en profitant de son faible tirant d’eau ; mais l’explosion accidentelle d’une chaudière vint réduire sa vitesse à environ trois nœuds ; c’est dans de telles conditions que le vaillant commandant accepta le combat et commença le feu contre le Huascar, à 800 mètres environ. Le duel d’artillerie durait depuis deux heures, sans résultat décisif, sans doute à cause de l’inexpérience des canonniers, et le Huascar ne pouvait se rapprocher à cause des hauts-fonds, quand quelques canons de campagne péruviens, en batterie sur la plage, ouvrirent le feu sur la Esmeralda, et leur tir plus efficace obligea la petite corvette en bois à s’éloigner de la côte. Le Huascar voulut alors en finir en frappant son ennemi de son éperon ; au moment où les deux navires se touchaient, le capitaine Pratt s’élança à l’abordage, le sabre d’une main, le revolver de l’autre, en ordonnant à son équipage de le suivre. Mais le contact ne dura qu’un instant et seul un sous-officier eut le temps de bondir à ses côtés. De son poste de commandement, le commandant Grau lui cria vainement : « Rendez-vous, commandant, nous voulons épargner la vie d’un héros ! » Pratt sabra l’unique marin qu’il rencontra sur le pont et tomba sous le feu de la tourelle.

La Esmeralda reçut un nouveau coup d’éperon, et de nouveau un officier, le second lieutenant Sessano, s’élança à l’abordage du Huascar avec quelques hommes, qui périrent victimes de leur courage ; la corvette chilienne ne coulait que lentement,